mardi 8 mai 2018

Nationalité et passeport à vendre : Évasion fiscale pure « Malte »



Tribune Libre du 07/05/2018 d’Eric Bocquet, sénateur du Nord  :

On dit parfois que trop d’informations tuent l’information, cet adage semble se confirmer de semaine en semaine tant nous sommes submergés de nouvelles, de minute en minute et qu’il devient parfois difficile de réellement comprendre ce monde déboussolé.

C’est ainsi qu’il arrive que des événements passent complètement à côté des écrans radar de l’actualité. Et pourtant, le sujet que nous allons aborder ici cette semaine a fait la une du Monde le vendredi 20 avril dernier avec ce titre : « Malte vend ses passeports et sa nationalité ». Revoilà donc l’évasion fiscale au cœur de l’Union européenne avec des méthodes sans cesse renouvelées pour échapper à l’impôt.

Voici le système : pour un peu plus d’un million d’euros, la petite île méditerranéenne vend la nationalité maltaise, porte d’entrée dans l’Union européenne, dont elle est l’un des membres. Les acheteurs de passeports bénéficient bien sûr d’une fiscalité très favorable. Et pour certains peuvent ainsi échapper aux sanctions internationales.

Les conditions posées par l’UE ne sont bien sûr pas respectées. Souvenez-vous de Daphné Caruana Galizia, elle était une journaliste qui avait dénoncé ces pratiques et mené une enquête poussée, elle fut retrouvée assassinée, une bombe placée sous son véhicule.

Ainsi donc, Malte est un paradis pour super-riches, la nationalité s’achète pour un peu plus d’un million d’euros à condition de pouvoir justifier d’une résidence sur l’île. Justifier d’une résidence ne signifie pas, bien sûr, d’une résidence effective à Malte. La résidence est, en général, fictive, il s’agit de simples boîtes aux lettres. Ces logements sont inoccupés, certains sont même sous-loués à des étudiants, très nombreux à Malte.

Les Russes sont apparemment les plus nombreux à s’offrir ce passeport parmi les 800 familles l’ayant acheté sur 5 ans. Des cabinets se sont spécialisés dans ce commerce, ainsi le cabinet Henley and Partners qui emploierait 300 personnes. Enregistrée à Jersey, la société est détenue par une holding opaque qui dissimule son véritable propriétaire.

Ça me rappelle la technique employée par de riches américains, titulaires de comptes non déclarés en Suisse afin d’échapper aux tracasseries du fisc américain, ils choisissaient d’abandonner leur nationalité américaine pour adopter le passeport de la Confédération Helvétique. Malte, Suisse, Jersey, aucun de ces Etats ne figurent sur la liste française des paradis fiscaux.

Y’aurait pas comme un petit problème, Monsieur Darmanin ?
 

Rencontre avec Pinar Selek le 11 mai 2018 à Volx


Mai 1968 - Mai 2018 : Vers de nouvelles conquêtes

Extrait de Communistes du 02/05/2018 - Supplément à l'Humanité


Les propositions du PCF pour le rail - Mon train, j'y tiens !


mardi 7 novembre 2017

Nationalisation de Lafarge France

M. Jean-Paul Lecoq (Député communiste GDR Seine Maritime 8ème) : Monsieur le Premier ministre, le 9 juin dernier, une information judiciaire pour financement d’entreprise terroriste et mise en danger de la vie d’autrui a été ouverte à l’encontre du groupe Lafarge. Trois juges d’instruction cherchent désormais à déterminer les liens entretenus par ce cimentier avec les organisations terroristes en Syrie.

Dans un communiqué, fin mars 2017, ce groupe a reconnu avoir financé « indirectement » des groupes armés syriens pour conserver son activité dans le pays, en 2013 et 2014, en dépit des sanctions qui visaient les groupes terroristes.

Rappelons par ailleurs que ce groupe industriel a bénéficié, sur la même période, de fonds publics en France, notamment dans le cadre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, fonds qui ont concouru à son financement et donc à ses capacités de dépenses.

Connaissant le poids économique de Lafarge, notamment en termes d’emplois en France, nous, communistes, nous inquiétons de son avenir. En effet, en application de la loi, ce groupe risque, dans le cadre d’éventuelles poursuites, de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à la dissolution de la personne morale.

En tout état de cause, son image est entachée. Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous demande d’engager les procédures aux fins de nationalisation de Lafarge France pour préserver l’outil industriel et les emplois, ce qui ne dispenserait en rien les éventuels responsables de ces délits de répondre pénalement de leurs actes.

Enfin, puisque l’exemplarité est une notion qui tient particulièrement à cœur au Président de la République et à votre gouvernement, cette nationalisation constituerait un signal fort délivré à ceux qui, au sein des premiers de cordée, confondent la cupidité économique et financière avec l’intérêt général.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

M. Jean-Luc Reitzer (Député Les Républicains) : C’est n’importe quoi !

M. le président : La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire (ministre de l’économie et des finances) : Monsieur le député, ce n’est pas la nationalisation de Lafarge qui répondra aux accusations de financement du terrorisme qui pèsent sur ce groupe.

M. André Chassaigne (Député communiste GDR Puy de Dôme) : Mais cela peut sauver des emplois !

M. Bruno Le Maire (ministre) : C’est la vérité qui y répondra, et la vérité sera établie par la justice qui a été saisie et qui rendra donc ses conclusions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)

Et je veux vous le dire, nous n’accepterons aucune incertitude, aucun doute, aucune faille s’agissant du risque de voir des entreprises françaises ou étrangères financer, directement ou indirectement, des activités terroristes.

Nous savons qu’il y a des failles dans la lutte contre le financement du terrorisme. Aussi avons-nous décidé, avec le Président de la République, de renforcer la lutte contre le financement du terrorisme.

Nous voulons transformer le Groupe d’action financière en un vrai ensemble international fort, avec une personnalité politique à sa tête qui puisse prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des sanctions immédiates, pour sanctionner sans délai, fermement, tous ceux qui pourraient avoir un lien financier avec le terrorisme.

Nous ferons également l’année prochaine, en 2018, des propositions dans le cadre du G20 pour renforcer les moyens de lutte contre le financement du terrorisme.

Croyez-bien que nous sommes, avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec le ministre de l’intérieur, totalement déterminés, sur le volet économique comme sur le volet financier, à ne laisser aucun groupe, aucune entité financière, aucune industrie, aucune entreprise avoir le moindre lien financier avec ceux qui menacent notre vie, celle de nos compatriotes et celle de notre nation.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
Un mardi 31 octobre 2017 à l'Assemblée Nationale
Source :  http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180034.asp#P1071733

samedi 11 février 2017

Basses-Alpes : Maxime BERRIN, candidat communiste aux Législatives de 1958 (1ère circonscription)


BERRIN Maxime, Pierre, Henri

Né le 25 juillet 1904 à Digne (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence), mort le 3 décembre 1990 à Digne-les-Bains (Alpes de Haute-Provence) ; ouvrier typographe ; militant communiste depuis 1928 ; secrétaire du rayon communiste des Basses-Alpes ; secrétaire fédéral en 1945-1946 (retiré du secrétariat cette année) ; dirigeant communiste des Alpes de Haute-Provence ; député suppléant ; responsable départemental du Mouvement de la paix de 1956 à 1962 ; secrétaire du syndicat des ouvriers imprimeurs.
 
 
1er Tour du 23 novembre 1958


2ème Tour du 30 novembre 1958


dimanche 5 février 2017

Discours du 21 janvier 1927 : à propos du chômage, Marcel Cachin devant la Chambre des députés



Contre le chômage, dressons-nous !




Le problème qui est posé, à cette heure, devant la Chambre mérite, plus que tout autre, de retenir son attention.

Il s’agit de souffrances immédiates et directes qui frappent, déjà dans notre pays, un nombre important de travailleurs. Il s’agit de souffrances présentes, et de menaces plus graves encore, de souffrances à venir.

Il faut aborder ce débat en le serrant d’aussi près que possible. Nous demandons quelle est présentement l’étendue du mal, et nous demandons au Gouvernement quels sont les remèdes qu’il propose pour le présent et pour l’avenir, s’il en est.

Tout d’abord, quelle est l’étendue du mal ? Les statistiques officielles sont, de l’aveu général, mal établies. Mr le Ministre du Travail n’est pas suffisamment armé pour pouvoir déterminer le nombre exact des chômeurs dans le pays.

Je me souviens d’une discussion récente du budget du travail, au cours de laquelle Mr le Ministre du Travail déclarait qu’il n’avait, pour établir la statistique de l’ensemble du travail en France, qu’un bureau de deux ou trois employés avec une dactylographe. Dans un moment où il se produit un ébranlement si considérable dans l’économie nationale, c’est là une organisation par trop imparfaite et inefficace.

C’est pourquoi, lorsqu’il y a quelques semaines, Mr le Président du Conseil citait des chiffres à cette tribune…

Mr le Président du Conseil - Ils ont changé depuis lors.



Mr Marcel Cachin – Oui Mr le Président du Conseil, ils s’aggravent tous les jours. Mais, même au moment dont je parle, vos chiffres furent contestés non seulement par les ouvriers et par leurs militants, mais par les représentants des grands groupements commerciaux eux-mêmes.

Je me souviens d’avoir lu dans le « Journal des Débats », au début de janvier, un article où Mr Adrien Artaud, membre de la Chambre de Commerce de Marseille, déclarait que le chiffre de 18000 chômeurs que Mr le Président du Conseil venait d’indiquer à cette tribune, était très largement inférieur à la réalité : dans le petit et le moyen commerce, dans la petite et la moyenne industrie, Mr Adrien Artaud savait déjà qu’il y avait des chômeurs, complets ou partiels, au nombre de plusieurs dizaine de milliers. 

Quoi qu’il en soit, je veux m’appuyer sur les chiffres même que Mr le Ministre du Travail a publiés ce matin au « Journal Officiel » et je veux essayer de les commenter. Tandis que, le 13 novembre dernier, Mr le Ministre du Travail annonçait, pour le pays entier, 456 chômeurs et 12302 demandes d’emploi non satisfaites, il annonce aujourd’hui 38374 secourus et 35000 demandes d’emploi non satisfaites. Sur les 38374 chômeurs secourus, il en compte 30000 dans la région parisienne.

Mr Ernest Lafont – Il y en a beaucoup plus.

Mr le Président du Conseil – Secourus.

Mr Marcel Cachin – C’est entendu Mr le Président du Conseil. Remarquons d’abord qu’entre le chiffre de la province et celui de Paris, il y a une disparité énorme. Or, en province, les moyens d’information étant moins développés qu’à Paris, il est permis d’affirmer que le nombre des chômeurs y est actuellement au moins égal à celui des chômeurs parisiens voire infiniment plus grand.

J’ai dit que votre appareil central pour l’estimation du chômage était extrêmement faible. Pour la province, vous recevez les résultats de 8 fonds départementaux de chômage, et de 64 fonds municipaux, c’est-à-dire que sur 86 départements, il y en a moins de 10 qui possèdent des organismes suffisants pour vous renseigner.

Et, pour toute la France, 64 villes seulement ont organisé l’établissement systématique des statistiques des chômeurs.

Sans rien exagérer – il ne convient pas d’exagérer en des matières aussi douloureuses – je prétends qu’il y a, en ce moment, en France, plus de 100000 ouvriers et ouvrières qui chôment complètement. Quant au nombre des chômeurs partiels, les camarades des syndicats interrogés répondent que, dès maintenant, le tiers environ de la population ouvrière de la France travaille au ralenti, dans une industrie en veilleuse.

Mr Frédéric Brunet – Oui, les ouvriers travaillent au ralenti.

Mr Marcel Cachin – Je ne veux pas insister longuement sur les causes du chômage. Voilà le fait, je n’ai pas grossi les chiffres. Ils sont déjà assez douloureux par eux-mêmes. Et il est à redouter que, demain, ils le soient encore davantage.

Quelles sont les causes du chômage ? On le disait tout à l’heure, la première évidemment est la diminution des exportations. Mais il ne faut pas oublier la sous-consommation ouvrière qui, depuis déjà quelques semaines, commence à se faire sentir.


Le prix de la vie n’a cessé d’augmenter depuis une année. Pour décembre, les indices des statistiques officielles, portant sur les treize objets fondamentaux, semblent indiquer qu’il y a eu un petit fléchissement. Mais je suis très frappé de ce fait que les indices généraux pour l’ensemble montrent qu’en décembre, la vie était encore plus chère qu’en novembre. C’est incontestable car je m’appuie, pour le dire, sur les statistiques officielles elles-mêmes. Je les donnerai tout à l’heure.

On nous dit que la hausse du franc est survenue trop brutalement. Certes, mais là encore nous apercevons la main de la finance.

On nous reproche, parfois, d’évoquer à ce sujet je ne sais quel spectre. Mais ce ne sont pas là des spectres, ce sont les réalités les plus prochaines de la politique et de l’économie mondiale.
Et lorsque, il y a quelques semaines, Mr le Président du Conseil a reçu la visite de Mr Francqui, venant lui demander quelles étaient ses intentions.

Mr le Président du Conseil – Mr Francqui n’a jamais demandé quelles étaient nos intentions.


Mr Marcel Cachin – Si vous voulez. Mais il est permis à l’homme moyen, à l’homme de la rue, de faire une constatation. À partir du moment où il est apparu que la France ne s’associait pas à la Belgique pour stabiliser le franc, lorsque les financiers ont su que la France entendait revaloriser sa monnaie, à partir de ce moment, la finance internationale s’est dit : « Je connais maintenant la politique du Gouvernement français. Moi aussi je vais marcher pour le franc. ». Et, les mêmes qui jouaient hier à la baisse du franc,  qui y ont réglé de fructueux bénéfices, se sont retournés. Ils ont joué à la hausse du franc. Et ils ont tellement bien joué, qu’à l’heure actuelle, vous êtes contraint, Mr le Président, d’empêcher les ardeurs de ce zèle nouveau qui ont une répercussion si lourde sur l’ensemble de l’économie de notre pays.  

Sans doute, constate-t-on, avec une certaine joie chez les capitalistes et les impérialistes d’autres pays, que la France ne pourra plus exporter. La hausse du franc survenue brutalement a été une des causes du chômage actuel.

En même temps, sont intervenus des impôts écrasants. La France est chargée de 50 milliards d’impôts, y compris ceux des communes et des départements. 

Une vie augmentée, une masse de travailleurs qui reçoit moins de salaires, et qui, par conséquent, dépense moins, voilà ce que l’on constate actuellement. Le chômage vient, à la fois, de la fermeture des marchés étrangers et du ralentissement de la consommation française.

Quant au prix des choses, Mr le Président du Conseil, permettez-moi de vous dire que le travailleur, l’ouvrier, le salarié, qui ne perçoit pas les subtilités de la haute politique financière, applaudirait volontiers à la revalorisation du franc ; il y applaudirait s’il y trouvait un bénéfice quelconque dans le présent, et s’il pouvait en espérer un pour l’avenir. Mais comment s’intéresserait-il  à une politique qui aboutit à faire monter le franc, si en même temps, le prix de la vie renchérit encore plus vite que le franc ne monte ?

Vous disiez, tout à l’heure : « J’ai ramené la livre au prix de l’année dernière ». Oui, seulement vous n’avez pas ramené le prix des choses au prix de l’année dernière !

Je ne veux pas vous accabler de statistiques, mais je constate que, dans le 1er trimestre de cette année, l’indice général était à 451, et dans le second, à 485. La livre était alors au plus haut. Quand la livre était à 240 francs, l’indice était à 485. Voici que la livre revient à 122 et, dans le 3ème trimestre, on constate un bond énorme de l’indice du coût de la vie, à 538. Enfin, en décembre, à la fin du dernier trimestre, il est à 545.

Que fait le Gouvernement pour empêcher ces scandales ?

Le chômage menacera encore plus demain. Que proposent d’abord les industriels directement intéressés, puis l’État, pour y mettre un terme ? Les industriels déclarent unanimement que le seul devoir de l’industrie est de retrouver des débouchés perdus ou à la veille de l’être, et de diminuer les prix de revient. Dans ce but, ils vous offrent, comme solutions :

1/ La diminution des salaires

2/ L’augmentation de la journée de travail

3/ La rationalisation systématique de l’industrie et du commerce


Je lis avec beaucoup d’attention, ces jours-ci, les journaux corporatifs de la grande industrie de notre pays. Lors de la dernière discussion, à la Chambre, sur ce sujet, Mr Poincaré, d’après le « Journal Officiel » du 8 décembre, disait : « Les inspecteurs du travail ont reçu comme instructions formelles de recommander aux industriels de réduire les heures de travail et de maintenir, autant que possible, les salaires. Dans l’ensemble, les salaires n’ont pas été réduits. ».
« L’Usine », le 18 décembre, répond à Mr Poincaré : « A très bref délai, des rectifications de salaire vont s’imposer. ».
« La Revue de l’Industrie du cuir » répond à son tour le 22 décembre : « Les fabricants français débauchent et rectifient les salaires. Ce réajustement des salaires, possible seulement en période de chômage, est le seul avantage que les producteurs peuvent tirer de la situation présente. ».

Que dites-vous, Mr le Président du Conseil, de cette manière d’appliquer vos suggestions ?

Et le journal ajoute cyniquement : « Ils doivent exploiter cet avantage au maximum. C’est pour eux une question vitale. ».

Faut-il que j’insiste sur ces citations on ne peut plus édifiantes ? Le grand patronat déclare qu’il faut diminuer les prix de revient, et, pour cela, les salaires, et il trouve, que la crise présente lui en donne précisément l’occasion.

Le Comité Central des laines vient d’envoyer à chacun de nous un petit mémoire que, je pense, vous avez lu avec l’attention qu’il mérite. Il le termine en déclarant que le problème du chômage pose inévitablement la question de la réduction des salaires.

Lisez également le dernier « Bulletin quotidien » de la Société d’études et d’informations économiques, que connaît bien Mr André François Poncet.


Il est d’hier. Il réclame aussi « l’allongement de la journée de travail et la diminution des salaires, et cela pendant plusieurs années. ».

La grande industrie formule donc, ainsi très clairement, ses deux premiers désirs. Mais c’est surtout dans sa 3ème suggestion que nous voudrions la suivre. Elle préconise « la rationalisation. ».
Ici encore, des textes précis. 

Les établissements Schneider  et Cie, renoncent cette année à distribuer des dividendes à leurs actionnaires. Les gérants déclarent : « Nous ne pouvons pas diminuer nos disponibilités. Nous voyons dans d’autres pays se développer un mouvement de regroupement, voire de concentration des affaires d’une même branche d’industrie. ».
Sans doute sont-ils frappés par l’énorme concentration capitaliste déjà réalisée non seulement aux États-Unis, mais aussi en Allemagne.
Ils insistent : «  Si pareille nécessité venait à se produire en France… » - ce n’est ici qu’une clause de style – « …nous devons être prêts à jouer notre rôle comme l’exige la situation de 1er plan que nous occupons dans l’industrie. ».
La maison Schneider déclare donc qu’elle ne distribuera pas de dividendes cette année parce qu’elle réserve son argent pour l’organisation nouvelle des trusts en France.
Cela veut dire qu’elle va améliorer son matériel et faire pression, de toutes manières, sur les petites industries qui vivent plus ou moins bien autour d’elle, et qu’on appelle maintenant, dans les hautes sphères industrielles, « des industries parasitaires ». On signifie ainsi à la classe moyenne de l’industrie que son dernier jour approche, et qu’on prépare froidement sa mort.

Toutes ces solutions du grand patronat, augmentation de la journée de travail, diminution des salaires, normalisation, aboutissent donc à augmenter le chômage, et la fatigue ouvrière jusqu’à l’épuisement. Tout cela revient à demander aux ouvriers de payer seuls l’ensemble des frais de la guerre et de la reconstruction du monde.

Les ouvriers ne participent pas au Gouvernement, ni à la gestion ou à la direction des usines et grandes maisons de commerce. Ils en sont tout à fait exclus. Ils ne sont donc, en aucune manière, responsables de la situation qui pèse aujourd’hui sur eux si durement.

Puisqu’ils n’ont pas la responsabilité de cette crise, ils demandent à ne pas en être les victimes.
Devant le chômage qui grandit, en prévision d’un chômage encore plus important, ils demandent non pas des secours, mais du travail ! Ils ont le respect du travail. Ils savent qu’il y aurait pour eux de grosses difficultés et ils se sentiraient humiliés si, en France comme en d’autres pays, des centaines de mille hommes, des millions d’hommes étaient obligés de compter sur les secours publics pour se nourrir.

Ils ne veulent pas que la situation présente se prolonge. Ils ne veulent pas s’installer dans le chômage. Ils veulent du travail, un travail adapté, qui ne soit pas celui des ateliers nationaux de sinistre mémoire. Ils veulent des organisations pratiques, efficaces. Voilà ce qu’ils nous ont demandé d’affirmer clairement.

Ils nous ont dit de proposer, ici, la reconnaissance du droit au travail pour tous. Si vous ne pouvez pas leur donner du travail, donnez-leur, du moins, ce qui est nécessaire pour vivre et pour faire vivre leur famille. Pour les chômeurs complets et pour les chômeurs partiels, ils exigent le salaire minimum vital, déjà payé aux travailleurs occupés. Car, encore une fois, ils n’ont pas à supporter le poids de la situation présente dont ils ne sont en rien responsables.

La seule solution consiste à traiter les ouvriers étrangers – en admettant que ce mot ait un sens, et il n’en a pas pour nous – exactement comme les ouvriers français, en leur accordant un droit d’asile complet, des salaires égaux à ceux des ouvriers français et, s’ils chôment, des secours égaux.

En outre, nous demandons le respect absolu de la journée de 8 heures et l’abrogation de tous les systèmes de dérogations.

Nous demandons que l’indemnité, payée aux ouvriers de toutes nationalités, soit suffisante pour leur assurer le salaire vital.

Nous demandons que, pendant la durée du chômage, on exonère les ouvriers du paiement de leurs loyers, qu’on ne les « moratorie » pas, pour les leur faire payer dans la suite en bloc, mais qu’on les en dispense.

Nous demandons que les chômeurs soient occupés à de grands travaux d’utilité publique avec le concours et sous le contrôle des organisations ouvrières, que l’État participe aux secours dans la proportion non de 33 mais de 75%, que les conditions d’inscription des chômeurs soient facilitées. Elles sont, à l’heure actuelle, parfois très difficiles, impossibles à remplir.

Vous exigez de certains chômeurs l’attestation que, pendant plusieurs mois, ils ont travaillé chez le même patron.  
Un très grand nombre de travailleurs, ceux de l’alimentation par exemple, les extras, travaillent un jour ici et le lendemain ailleurs. Il ne leur est pas possible de fournir l’attestation que vous demandez.

Que l’on simplifie ensuite les formalités d’inscription, que ce soit à la mairie du lieu de leur travail, ou à la mairie de leur domicile. Il faut donner des indications très nettes à l’ensemble de vos organes administratifs. Il faut simplifier ces organismes.

Vous me direz : il sera très couteux de venir en aide aux chômeurs dans une telle proportion.

Nous vous répondrons : L’Allemagne a inscrit 7 milliards dans le budget de 1926 pour ses chômeurs. L’Angleterre a distribué aux siens, jusqu’en 1926, 13 milliards d’allocations. En Suisse, le Gouvernement donne aux chômeurs 60% de leur salaire normal. Au Danemark, il leur accorde les 2/3 de leur salaire.

Les ressources qui vous seront nécessaires, vous n’aurez qu’à aller les chercher chez les gros industriels et les commerçants français qui ont réalisé des bénéfices considérables pendant la longue période d’inflation. 

Nous sommes, Messieurs, aujourd’hui, en face d’un des plus angoissants problèmes de ce moment : il faut en examiner en face les perspectives. Voici, par exemple, quelques chiffres qui indiquent où en est le chômage dans le monde : la France vient d’être touchée par le fléau. Déjà l’Angleterre, vous le savez, compte depuis 6 années, un million et demi de chômeurs chroniques. L’Allemagne en a, présentement, plus de 2 millions. L’Autriche en compte 200000 environ sur 1 million d’ouvriers. La Tchécoslovaquie, 70000. L’Italie, 100000 secourus, sans compter tous ceux qui sont obligés de s’expatrier et qui, à l’heure actuelle, sont venus ici par centaines de mille.

Est-ce le chômage chronique qui va s’installer ici ? Avec la rationalisation, le danger en est menaçant, grave.

Y aura-t-il, ici, comme dans d’autres grands pays capitalistes, (le monde compte présentement 14 millions de chômeurs) deux sortes de prolétaires, dressées à demeure l’une en face de l’autre : 7 à 8 millions d’ouvriers et ouvrières, dans les usines, un, deux ou trois millions, à la porte des usines, entretenus pendant des années par le Trésor Public, avec tous les dangers qu’entraîne cette situation.

Allez-vous ainsi constituer – ce ne serait pas, évidemment, mal vu du grand patronat – une réserve constante, grâce à laquelle il pourrait menacer ceux qui sont encore restés à l’usine, de les remplacer par ceux qui sont en dehors ?

Organisation ouvrière devenue très difficile ; dignité ouvrière diminuée, est-ce vers cela où nous allons ? Contre ce fléau qui sévit déjà dans plusieurs pays, qui menace le nôtre, quelles sont vos solutions ? Qu’apportez-vous ?

Nous constatons que vous ne pouvez sortir des contradictions qui pèsent sur le régime lui-même. 

Voyant votre monnaie perdre tous les jours un peu plus de sa puissance d’achat, ayant en perspective une catastrophe financière, vous réagissez et vous arrêtez votre monnaie sur la pente où elle glisse, mais, dès que vous l’avez arrêtée, ou du moins que vous croyez l’avoir arrêtée momentanément, voici une crise économique qui s’ouvre !

Vous êtes ainsi, ballotés entre la crise économique et la crise financière, et vous avez beau voir se succéder sur ces bancs des ministères nouveaux, des grands ministères, des gouvernements d’union nationale, c’est toujours la même chose, le régime n’en sortira pas.

Vous comprenez bien que les ouvriers, en présence du mal grave qui va peser sur eux, ne peuvent avoir, de plus en plus, que des idées de révolte contre lui.

Comment ! Voici un régime qui ne peut même plus arriver à leur assurer le travail qui leur permettrait leur pauvre vie élémentaire ! Ils se disent alors, avec raison, que ces gouvernements passeront et qu’un autre viendra enfin qui sera le leur, celui des ouvriers et des paysans, celui du travail, de la paix, de la fin des fléaux sociaux comme le chômage.