mercredi 11 mai 2016

Député(e)s de gauche, désobéissez ! - Libération 11/05/2016

Photo Boris Allin. Hans Lucas pour Libération

Face à un gouvernement qui impose la loi travail à coup de 49.3, contre l'avis des instances de gauche, de droite et de 75 % de Français, une seule solution : la désobéissance. Et faire entendre une ultime fois, les voix discordantes au sein même de la majorité le jour du vote, le 12 mai.

Il n’aura échappé à personne que le vote du 12 mai revêt une grande importance. Par le recours à l’article 49.3, François Hollande et Manuel Valls veulent en finir avec le mouvement social et les résistances politiques contre la loi travail. Ce mouvement a pris des formes très diversifiées, depuis les pétitions, les grèves et les manifestations jusqu’aux occupations de places par Nuit debout partout en France et à de multiples actions de blocages d’agences bancaires, de fast-foods, d’infrastructures… L’opinion publique l’accompagne puisque la loi Travail est rejetée par 75% des Français (sondage Elabe - BFM TV du 4 mai). Et une fraction importante des députés de la majorité, à l’écoute de leur électorat et de la société, s’apprêtait à voter contre le texte.

La droite et le Medef se répandent en lamentations à l’égard des concessions faites par le gouvernement au mouvement social, qui auraient supposément vidé cette loi de son contenu. Il est vrai que le retrait du plafonnement des indemnités prud’homales a été une première victoire pour le mouvement social, et que le gouvernement vient d’annoncer qu’il renonçait également à limiter la prise en compte des difficultés économiques au seul territoire national dans les firmes multinationales qui veulent licencier. Mais la loi El Khomri, si elle était adoptée dans sa forme actuelle, représenterait encore un séisme social. Elle ferait prédominer l’accord d’entreprise, lieu privilégié du chantage à l’emploi, sur la loi et les conventions de branche. Elle ferait du licenciement économique une décision incontestable dans des circonstances banales telles une «dégradation importante de trésorerie» ou une baisse de l’activité pendant quelques mois. Vidant de contenu la notion de «cause réelle et sérieuse» du licenciement, elle transformerait le CDI en un contrat plus précaire que le CDD.

Malgré les déclarations du secrétaire général de la CFDT qui trouve désormais le texte de loi «porteur de progrès», les Français ne s’y trompent d’ailleurs pas : ils le trouvent à 69% «surtout favorable aux entreprises» (contre seulement 10% pour qui la loi est «favorable aux salariés» et 20% «équilibrée»).

Dans ces conditions, les député.e.s de la majorité – étiquetés «frondeurs» ou non – qui reconnaissent la gravité des conséquences qu’aurait cette loi sur la vie de millions de salarié.e.s et qui sont attachés au mandat qui leur a été donné, se trouvent placés par l’exécutif dans une situation intenable. Voter en faveur du gouvernement représenterait un reniement de leurs convictions, un coup de force et un extraordinaire déni de démocratie. Ce vote restera gravé dans la mémoire des Français.

Il leur reste donc à s’opposer à ce texte de loi en votant la motion de censure.

Certes, voter avec la droite contre le gouvernement peut sembler difficile. Mais ce gouvernement a définitivement rompu avec les valeurs fondamentales de la gauche. Le renoncement devant le pouvoir de la finance, l’abandon des promesses de réorientation européenne ou le projet de déchéance de nationalité, et maintenant cette réforme néolibérale du marché du travail, le signent sans ambiguïté. Face à une oligarchie qui a abandonné la société, la désobéissance de ceux qui représentent cette dernière à l’Assemblée nationale est un devoir. Elle donnera un signal fort aux citoyen.ne.s qui résistent par leurs luttes et leurs initiatives.

Par Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic et Geneviève Azam, porte-parole d’Attac
 

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