Mickael Brown 18 ans, Trayvor Martin 17 ans Tamir Rice 12 ans… La liste est longue, très longue des jeunes afro américains abattus par la police, 400 depuis une quinzaine d’années dans un pays où la statistique nous apprend qu’un jeune noir sur 3 fera un séjour en prison.
« Tuez-les avant
qu’ils ne grandissent », chante Bob Marley, vient de nous rappeler C.
Taubira au grand dam de C. Estrosi qui demande
des sanctions contre la garde des sceaux. Sans doute parce que comme
le poète du reggae, elle dit une vérité insupportable à entendre pour
le maire de Nice désormais abonné au discours
raciste.
Quelle vérité ?
Ferguson, banlieue noire et pauvre de Saint Louis est emblématique de la
société étatsunienne : le racisme,
officiellement dénoncé, n’en reste pas moins une réalité
quotidienne, un non-dit, une normalité intériorisée par les blancs.
Ceux-ci continuent de détenir l’essentiel des pouvoirs fédéraux et
locaux même quand les noirs sont majoritaires. Le jury qui a décidé
la non inculpation du policier blanc est composé à une grande majorité
de blancs et 90 % des policiers de Ferguson, cité
majoritairement noire, sont blancs.
Écoutez le
discours du policier : « il était tellement grand et physiquement très
impressionnant que j’ai eu peur ». Au point de
décharger sur un gamin de 18 ans sans arme 10 balles ! Cette
référence à la force physique renvoie au racisme le plus abject des 18e et 19e
siècle qui assimilait les
noirs à l’animalité justifiant ainsi le pire attentat à la dignité
humaine, l’entreprise esclavagiste. L’illusion de 2008 qui a suivi
l’élection du premier président noir des USA a fait long feu.
Le coup de baguette magique n’a pas eu lieu et il en faudra beaucoup
plus, pour lutter efficacement contre ce mal endémique. D’autant plus
que le racisme aux USA comme partout est un problème de
classe, en termes d’exploitation économique, de domination sociale
et d’aliénation culturelle des classes populaires. La société
américaine, de ce point de vue, est très loin des images d’Epinal
distillées par ses nombreux zélateurs. La réalité est plus cruelle :
durant la présidence Obama les inégalités se sont à nouveau creusées
entre les blancs et les noirs et la guerre qu’il a
déclarée à la pauvreté est un énorme échec. Les enfants afro
américains naissent très majoritairement dans les quartiers paupérisés
et marginalisés où le chômage et la drogue font des
ravages ; ils sont éduqués dans des écoles ghettos où les moyens
accordés n’ont rien à voir avec un système scolaire par ailleurs
largement privatisé qui leur est interdit ; ils ont
quotidiennement affaire à une police – et une population –
surarmées, obsédées par la peur et la répression, enfin à une justice
inégalitaire qui remplit avec eux les prisons, école du crime et
de la récidive.
Dans les
reportages télévisés sur les manifestations de protestation qui ont lieu
partout aux USA, une jeune afro américaine a ce propos
terrible : « ce jugement de Saint-Louis c’est comme si on me disait
que je n’existe pas » :
Mais au fait ce
que je viens d’écrire sur la situation outre atlantique, dans des
conditions très différentes et à une autre échelle il est vrai,
ne nous menace-t-il pas nous-mêmes, ici et maintenant ?
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