jeudi 21 janvier 2016

Marc Bloch est-il soluble dans le Front National ?

http://crheh.hypotheses.org/939

11 décembre 2015 - Peter Schöttler

Nous publions ici un texte en réaction à des propos tenus par Marion Maréchal-Le Pen relatés par Le Figaro du 2 décembre, propos qu’elle a repris de manière tronquée à Marc Bloch.

Nous avons proposé un texte correctif mais aussi réactif par rapport aux usages abusifs et malveillant qui sont fait de la pensée de Marc Bloch.

Ce texte signé par une douzaine de collègues spécialiste d’historiographie ou d’histoire allemande a été envoyé aux rédactions du Figaro, du Monde et de Mediapart mais n’a été ni acquitté ni publié alors même que la presse allemande s’en est fait l’écho à la une du Feuilleton de la FAZ sous le titre : « Die Le Pens nehmen die Kultur in die Zange », auquel nous renvoyons ici

Marc Bloch est-il soluble dans le Front National ? 
À propos d’une nouvelle référence abusive au grand historien mort pour la France en 1944.

Le candidat Nicolas Sarkozy s’y était essayé, Jean-Marie Le Pen également s’était approprié les propos de Marc Bloch. Voici que Marion Maréchal-Le Pen à son tour puise dans le même seau pour faire frémir le sentiment patriotique de ses propos chauvins et islamophobes : « Qui n’a pas vibré au sacre de Reims et à la fête de la Fédération n’est pas vraiment Français !» (Le Figaro, 2 décembre 2015).

Le processus est rôdé, la citation à chaque fois reprise, tronquée, coupée de son contexte. La voici en entier : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » (L’Étrange défaite, Gallimard-Folio, p. 198). Resituée dans le texte de Marc Bloch, cette phrase magnifique est irrécupérable par les réactionnaires de tous bords, car elle figure dans un passage qui fait explicitement référence au mouvement populaire de 1936 et dans lequel Marc Bloch rappelle que dans « le Front populaire – le vrai, celui des foules, non des politiciens – il revivait quelque chose de l’atmosphère du Champs de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790 ».

Marc Bloch n’a pas inventé cet aphorisme en 1940, il l’avait à l’esprit depuis longtemps et l’avait consigné, presque mot pour mot, dans un carnet en 1917. Alors il y avait porté ce titre sans équivoque : « Sur l’histoire de France et pourquoi je ne suis pas conservateur ».

Assurément la pensée de M. Bloch n’est pas réductible à un repli identitaire, elle n’est pas soluble dans la pensée nationaliste et islamophobe du Front national. Elle en est même l’antidote !

Les historiens Maurice Aymard, Johann Chapoutot, Christian Delacroix, François Dosse, Olivier Dumoulin, Etienne François, Patrick Garcia, Christian Ingrao, Sandrine Kott, Massimo Mastrogregori, Bertrand Müller, Nicolas Offenstadt, Henry Rousso, Thomas Serrier, Peter Schöttler, François-Olivier Touati, Michael Werner

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