mardi 12 janvier 2016

Un enseignant-chercheur poursuivi pour avoir cité M. Valls

Le mercredi 27 janvier 2016, à 14h, Bernard Mezzadri, maître de conférences à l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV) et citoyen de Château Arnoux, comparaîtra devant le tribunal correctionnel d’Avignon (Palais de justice, 2 boulevard Limbert) au motif qu'il aurait « provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
Cette citation à comparaître fait suite à un message diffusé en mai 2015 par Bernard Mezzadri sur une liste de discussion interne réservée aux enseignants-chercheurs et personnels de son établissement (« debat-uapv »), où, à l’occasion de la rencontre d’une délégation de l’université avec le premier ministre, il rappelait ironiquement les propos de M. Valls sur le marché d’Évry – dont alors il était le maire –, dans les termes suivants : « J'espère qu'en cette grande occasion la délégation de l'UAPV comptera suffisamment de "blancos" (et pas trop de basanés), afin de ne pas donner une trop mauvaise image de notre établissement. »

Celui qui était alors président de l'UAPV, Emmanuel Éthis, et son service juridique ont cru de leur devoir de « signaler » au procureur de la république cette contribution, dont l’intention évidente était de dénoncer sarcastiquement les propos xénophobes de M. Valls.
Du reste, M. Valls a lui-même fait l'objet de deux plaintes pour provocation à la discrimination raciale, en raison de ses propos concernant les Roms en 2013, quand il était ministre de l'intérieur.
 
 
 
 
 
Pour avoir cité avec ironie des propos de Manuel Valls, Bernard Mezzadri, un enseignant de l’Université d’Avignon, est cité à comparaître en correctionnelle le 27 janvier prochain.

En ce jour de juillet 2015, Bernard Mezzadri tombe des nues lors qu’il reçoit un appel de la police judiciaire d’Avignon qui le convoque.

Résidant à Château-Arnoux dans les Alpes de Haute-Provence, cet enseignant-chercheur, maître de conférence depuis les années 1990 à l’Université d’Avignon, est cité à comparaître en correctionnelle le 27 janvier prochain. Chef d’inculpation : « Provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
Coup de massue

Et c’est une boutade dont l’intention se situe précisément aux antipodes de l’incrimination qui vaut à Bernard Mezzadri un tel coup de massue.

Nous sommes fin mai lorsque l’annonce est faite de la venue de Manuel Valls en Paca. Le Premier ministre recevra à Marseille une délégation de l’Université d’Avignon à l’Hôtel de Région. La visite ministérielle fait réagir Bernard Mezzadri sur une plate-forme de discussions entre enseignants-chercheurs. Il écrit : « J’espère qu’en cette grande occasion la délégation de l’Université comptera suffisamment de "blancos" (et pas trop de basanés) afin de ne pas donner une trop mauvaise image de notre établissement. »

Le message sarcastique fait référence aux propos tenus par Manuel Valls qui, pensant le micro éteint, s’était fait surprendre en 2009. Il était alors maire d’Ivry. Sous l’oeil des caméras il traverse un marché lui inspirant ce commentaire : « Belle image de la ville… Tu me mets quelques blancs, quelques whites, quelques blancos… »

L’expression ironique de l’enseignant vise évidemment à dénoncer le caractère xénophobe de ces propos.

L’affaire prendra une tournure ahurissante après que le recteur et le président de l’Université ont dénoncé l’enseignant à la Justice et que le procureur de la République décidera de poursuivre en considérant le message au premier degré.

Dans une lettre de remontrance adressée à l’enseignant, le recteur est dans le registre du crime de lèse-majesté. « Il n’avait pas envisagé ce chef d’inculpation, explique Bernard Mezzadri. Et on ne connaît pas encore précisément les termes de la lettre envoyée par le président au procureur. »
Un message d’intimidation

Si pour cet homme de 57 ans engagé et humaniste, cette accusation est « absurde, ridicule », elle n’en demeure pas moins « infamante et scandaleuse ». Faut-il en rire ou en s’en inquiéter ? La deuxième option s’impose à plusieurs titres.
« Cette dénonciation entre collègues rompt la tradition universitaire de débat, d’échanges souvent assez vifs. Il ne s’agit pas d’un simple fait isolé mais d’une situation symptomatique de l’évolution des universités, qui de plus en plus sont gérées à la façon du management d’entreprise. J’ai été de presque tous les mouvements sociaux. J’adresse de temps en temps des messages critiques. J’étais de ceux qui en 2009 ont appelé à prolonger la grève contre la loi Pécresse. J’ai dernièrement exprimé mon hostilité à la réforme, défendu bec et ongle ma discipline, l’enseignement du latin menacé. Ce qui se passe aujourd’hui traduit un message d’intimidation. C’est l’opportunité de faire taire un gêneur, faire comprendre à la communauté universitaire qu’on court un risque en exprimant ses opinions… »

A partir de là, pas question pour l’enseignant de faire profil bas. « Je souhaite au contraire que cette affaire ait le plus d’impact possible pour que soit défendue la liberté d’expression, que soit dénoncée la xénophobie d’État. J’espère que ces questions seront mises sur le devant de la scène. Mon avocat est maître Henri Braun, qui défend l’association "La voix des Rroms", une communauté malmenée par Manuel Valls. C’est un choix politique. »

Il y a tout juste un an, se souvient avec tristesse Bernard Mezzadri, l’Université d’Avignon embrassait « l’esprit Charlie ».
 
L'Humanité 5 janvier 2016 
 


 
 
 
 
 
 

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