Pt loi de règlement – Nlle lect
Lundi 21 juillet 2014 – 1ère séance
Discussion générale
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, lors de
son allocution du 14 juillet dernier, le Président de la République a
expliqué qu’avec le pacte de responsabilité, tout était sur la table et
que rien ne serait modifié. M. le Président de la République avait sans
doute à cœur d’afficher sa fermeté, on le comprend, mais nous avons le
sentiment d’une obstination peu productive. L’échec qu’il a reconnu sur
le terrain de l’emploi, par exemple, ne doit en effet rien au hasard. Il
est la conséquence des choix opérés depuis juin 2012 et surtout, il
faut le rappeler, au cours de la législature précédente ; on en paie
encore les conséquences.
L’aggravation du chômage n’est pas seulement la conséquence d’une
conjoncture défavorable, elle a sa source, à nos yeux, dans les choix
opérés et dans une profonde erreur d’analyse de la situation de notre
pays.
Le pacte de responsabilité n’est pas venu sanctionner une prise de
conscience soudaine des difficultés de notre pays et de l’échec de la
politique conduite. Il témoigne, au contraire, de la volonté d’accélérer
sur la voie tracée depuis deux ans. Cela consiste, en premier lieu, à
tenter de stimuler la compétitivité de l’économie française par une
réduction de ce que les économistes appellent la demande solvable. Cela
s’est traduit par l’adoption d’une part de mesures conduisant à des
réductions de salaire, d’autre part de mesures d’austérité. La pression
fiscale sur les ménages s’est accrue, notamment avec la hausse de la
TVA, sans que cette augmentation s’accompagne d’un accroissement
équivalent des dépenses publiques. Il s’est agi, au contraire, de
réduire ces dernières au risque d’un profond effet dépressif sur la
croissance.
Cette politique n’est d’ailleurs pas propre à notre pays. Elle est
déclinée dans la plupart des pays européens au fil des recommandations
de la Commission européenne. Les institutions internationales, parmi
lesquelles le FMI, ont beau souligner les effets pervers des politiques
d’austérité et inviter la zone euro à soutenir sa demande intérieure,
rien n’y fait. L’Europe entière reste prise au piège de la formule
d’Helmut Schmidt, selon laquelle «les profits d’aujourd’hui font les
investissements de demain et les emplois d’après-demain». Cela justifie
la poursuite en France d’une politique de l’offre qui se mène en
définitive contre ceux qui ont permis que la droite soit battue en 2012,
c’est-à-dire une majorité de Français.
La politique de l’offre et la déflation compétitive ont sans doute
été la clef du succès allemand, de sa croissance et son taux de chômage
très bas, mais nul n’évoque le revers de la médaille, les conséquences
sociales des réformes Hartz, les minijobs payés 400 euros par mois avec
exonération de charges pour les employeurs, une baisse radicale des
allocations-chômage pour les chômeurs de longue durée, et même des
emplois à un euro de l’heure ! Surtout, cette politique n’a pu
fonctionner que parce que l’Allemagne d’alors était entourée d’économies
relativement prospères, dont la demande pouvait tracter la croissance.
Dans le contexte déprimé que nous connaissons, l’application de telles
recettes est vouée à l’échec.
Observons, comme nous y invitait récemment l’économiste Jacques
Sapir, l’environnement économique international : il est bien plus
sombre qu’on ne pouvait l’envisager l’an passé. Il semble que la
croissance sera plus faible que prévu aux États-Unis. En Europe, la
situation est catastrophique : l’Italie continue d’être en récession,
avec un recul de 0,5 % du PIB au premier semestre 2014, et si l’Espagne
semble voir sa situation économique se stabiliser, on ne décèle aucun
signe de reprise. Quant à l’Allemagne, le gouvernement de coalition n’a
nullement l’intention de se livrer à la relance salariale espérée. Le
SMIC, accepté du bout des lèvres par Angela Merkel, ne sera finalement
mis en place – semble-t-il – qu’en 2017. En France, enfin, la
consommation intérieure stagne. Elle n’est plus aujourd’hui soutenue que
par un mouvement de désépargne qui touche plus particulièrement les
classes populaires. D’ailleurs, la décision d’abaisser le taux du
livret A de 1,25 % à 1 %, qui a une incidence sur les intérêts servis
par les livrets de développement durable, témoigne du fait que Bercy a
parfaitement conscience qu’il faut stimuler la demande, quitte à user
d’artifices.
Les faits sont têtus : la politique menée contre vents et marées, si
elle consacre la domination des marchés, nous conduit bel et bien à une
impasse. De fait, le chômage n’a pas reculé. Les déficits publics ont
légèrement reculé, mais moins que l’année précédente. Le ralentissement
de la baisse du déficit budgétaire que met en relief le présent projet
de loi de règlement ne résulte pas du prétendu théorème de Laffer, selon
lequel « trop d’impôt tue l’impôt », ni d’une augmentation de la
dépense publique, mais d’une insuffisance de recettes qui entretient un
évident lien de causalité avec le ralentissement de l’activité
économique.
Le décalage croissant entre les recettes fiscales prévues et
constatées, que nous évoquions en première lecture, persiste en 2014. Il
a d’ailleurs conduit le Gouvernement à présenter un projet de loi de
finances rectificative comportant plusieurs milliards d’euros de
contraction des recettes fiscales. Notons que cette insuffisance des
recettes est largement encouragée par une politique publique de l’emploi
incompréhensible dans le contexte actuel. La stratégie de Lisbonne
devait conduire la France sur la route de l’effort pour l’innovation, la
recherche, la qualification et la création de valeur ajoutée par la
matière grise. Plus de dix ans après, qu’en est-il ?
Non seulement la croissance n’a pas été au rendez-vous dans les
proportions attendues, mais nous avons dégradé nos services publics,
favorisé une explosion des inégalités et stimulé le développement de
l’emploi précaire et de l’intérim. À titre de comparaison, en 1982,
notre pays comptait un peu plus de 6 % de salariés en contrat à durée
déterminée et un peu plus de 8 % de salariés à temps partiel. En 2009,
nous comptons plus de 12 % de salariés en contrat à durée déterminée et
près de 18 % de salariés à temps partiel – selon les chiffres les plus
récents.
Tout cela a été encouragé – et continue de l’être – avec de l’argent
public, sans stopper l’hémorragie de l’emploi industriel : notre déficit
commercial extérieur en témoigne. Ces politiques publiques, qui
maintiennent dans la précarité des millions de salariés et leurs
familles, ont des surcoûts évidents en matière d’allégements fiscaux,
d’action sociale, de moins-values de recettes. Cela pèse sur les comptes
publics et participe aux déficits constatés. Il faudrait nous rendre
collectivement à cette évidence : le budget de l’État, les comptes de la
Sécurité sociale et les finances locales n’ont pas vocation à prendre
éternellement à leur seule charge l’ensemble des désordres économiques
et sociaux que provoque l’économie libérale dans laquelle nous vivons.
Au mois de mai 2012, un peu plus de 18 millions de Français, partagés
entre espoir, volonté et détermination, votaient en faveur du
changement. Le 25 mai dernier, moins de 19 millions d’entre eux votaient
lors du scrutin européen, dont seulement 2,65 millions en faveur du
parti de notre Président de la République. Pour retrouver les autres
Français, il n’y a probablement qu’une solution : mener enfin une
politique de gauche !
Nous renouvelons sans cesse cette invitation pressante depuis 2012,
sans être entendus. Nous ne pourrons donc pas voter pour ce projet de
loi de règlement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour publier votre commentaire :
1/ Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie (blanc) ci-dessous
2/ Identifiez-vous dans la liste déroulante : Soit Noms/URL si vous souhaitez laisser votre nom soit Anonyme
3/ Cliquez sur Publier