Dans la nuit du vendredi 10 octobre au samedi 11 octobre 2014, lors
de l’examen du projet de loi pour la Transition Energétique, l’assemblée
nationale a voté en première lecture l’article du texte de loi
permettant la privatisation du secteur hydroélectrique français.
Mr Chassaigne, au nom du groupe GDR a demandé un scrutin public afin que chacun se positionne sur un sujet d’une telle importance.
Mr Chassaigne, au nom du groupe GDR a demandé un scrutin public afin que chacun se positionne sur un sujet d’une telle importance.
Si L’UMP n’a pas participé au vote, étant absente de l’hémicyle car
elle avait épuisée son temps de parole, nous rappelons que le processus
de l’ouverture à la concurrence des barrages hydrauliques avait été
enclenchée sous un gouvernement de droite.
Néanmoins, la rapporteur Mme Battistel (PS) avait noté dans un
rapport à l’assemblée la dangerosité d’un tel procédé pour la sécurité
du système électrique français, pour la gestion de l’eau.
Ce rapport avait également pointé le manque de réciprocité puisque la
France serait le seul pays à offrir à la concurrence ce joyau.
Pourtant, et malgré l’opposition des organisations syndicales du
secteur, les députés PS, EELV et UDI se sont retrouvés lors de ce vote
qui fera date. Mme la Ministre a réussi l’exploit de faire passer un
montage où le public ne sera plus propriétaire qu’à 34% de ces moyens de
production pour une reprise en main par un pôle public ! (aujourd’hui
ces barrages sont pour 80% d’entre eux exploités par EDF possédé à 85%
par l’Etat et pour le reste à 51% propriété publique…)
Résultat : 32 votants pour la privatisation, 29 contre, 3 abstentions
Les usagers payeront la facture...
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La déclaration préalable d'André Chassaigne
« Cet article 28 est le plus important du projet de loi. De façon
assez anachronique, il est pourtant en
décalage complet avec les
objectifs de la loi. La question climatique, le réchauffement climatique
et la transition énergétique sont en effet les objectifs premiers du
texte. Or cet article porte un coup terrible – je le dis avec gravité,
et je m’adresse à mes collègues pour qu’ils mesurent bien le poids de
leur vote – au service public de l’énergie dans notre pays.
Avec
cet article sur les concessions hydrauliques, il s’agit de permettre
l’ouverture à la concurrence de l’exploitation de ces concessions
hydrauliques, autrement dit la privatisation des barrages. Pour employer
ce que vous allez peut-être considérer comme étant un grand mot, on
peut parler de libéralisation du secteur de l’énergie.
Vous
comprenez donc pourquoi j’ai demandé un scrutin public : chacun doit
voter en étant conscient du fait qu’on ouvre véritablement une brèche
dans ce qui a été construit en 1946.
Avant l’unification du
secteur de l’énergie en 1946, notre pays comptait 200 entreprises de
production, dont de nombreux barrages, 100 entreprises de transport
d’énergie, 1150 entreprises privées de distribution et 250 régies
locales.
S’agit-il aujourd’hui de mettre le bras dans cet
engrenage qui, par la privatisation des barrages, arrivera à casser ce
qui a été bâti en 1946 ? Nous avons déjà signalé qu’il serait plus que
temps de tirer le bilan des déréglementations du secteur de l’énergie en
France et en Europe. Il conviendrait de réorienter la politique de
l’énergie vers des logiques de long terme, qui ne peuvent être mises en
œuvre que par la maîtrise publique, et non pas par la recherche
d’intérêts financiers, nécessairement de court terme.
Après la
dislocation des entreprises intégrées – j’utilise le mot « d’atomisation
» du secteur de l’énergie dans notre pays – on nous présente
aujourd’hui dans cet article l’ouverture à la concurrence des
concessions hydrauliques. Bien évidemment, je sais ce qui va m’être
répondu : cette mise en concurrence est l’une des conséquences du
changement de statut d’EDF en société anonyme, comme de la loi sur l’eau
et les milieux aquatiques. On va me dire que la disparition du statut
d’établissement public ouvre obligatoirement la voie aujourd’hui à la
casse de l’unicité du système énergétique dans notre pays.
Il est
vrai que c’est le statut d’établissement public qui permettait de
déroger à la mise en concurrence des concessions lors de leur
renouvellement. L’attribution à d’autres opérateurs de l’exploitation
d’ouvrages hydrauliques jusqu’alors concédés au titre du droit de
préférence au concessionnaire nourrit naturellement de nombreuses
interrogations et inquiétudes, que je voudrais citer.
Premier
problème : on subira inéluctablement une hausse des tarifs puisque le
projet de loi impose une redevance importante aux nouveaux exploitants,
ce qui conduira mécaniquement et inévitablement à une hausse des prix.
Le
deuxième problème a trait à la sûreté du réseau électrique et à
l’approvisionnement. Rien n’obligera les nouveaux exploitants à
participer à la sûreté du réseau électrique. Pour des raisons de
rentabilité, un exploitant pourra s’abstenir de fournir de
l’électricité, même en cas d’urgence consécutive à des intempéries, s’il
estime qu’il pourra gagner plus d’argent à une autre échéance.
Le
troisième problème concerne les garanties accordées à tous les acteurs
de l’eau. Chacun sait qu’un barrage ne sert pas uniquement à la
production électrique mais aussi à d’autres usages, tels que la pêche,
l’irrigation ou le sport. Qu’est-ce qui empêchera demain un exploitant
privé d’accompagner ces usages d’une compensation financière ? Quelle
maîtrise y aura-t-il sur cette dernière ?
Le quatrième problème
est celui des inévitables destructions d’emplois. Le rapport
d’information de Mme Battistel sur l’hydroélectricité, au demeurant
excellent et très approfondi – même si l’on ne partage pas
nécessairement toutes ses conclusions – se faisait l’écho d’une
inquiétude quant à l’avenir du personnel des exploitants actuels, non
seulement des exploitants se trouvant sur les barrages, mais aussi du
personnel rattaché à la concession, travaillant à l’ingénierie, à la
maintenance ou dans le secteur tertiaire. Le rapport le soulignait à
juste titre.
Cinquième problème, et non le moindre : cette
ouverture au marché, que l’on voudrait nous présenter comme étant une
conséquence des évolutions européennes, de la concurrence libre et non
faussée, ne se pratiquera qu’en France. Dans les autres pays européens,
des réponses ont été trouvées, qui permettent d’éviter cette ouverture
au marché.
Je voulais souligner l’ensemble de ces points, qui me
paraissent d’une extrême gravité. Nous pensons qu’il n’était pas
nécessaire de consacrer un chapitre aux concessions hydrauliques au sein
de ce texte sur la transition énergétique. D’ailleurs, madame la
ministre, dans les premières moutures du texte, il était par exemple
question du traitement des déchets nucléaires : ce sujet a été retiré du
texte, à la demande, en particulier, de certaines ONG et peut-être de
mouvements politiques. Même si une loi a été adoptée sur ce sujet en
2006, il a été retiré car on a considéré qu’il ne relevait pas de la
transition énergétique.
Pourtant, dans ce texte extrêmement
important, qui comporte des objectifs clairement définis à l’article
1er, on laisse un chapitre qui, en fait, même si cela apparaît sous une
forme déguisée, quasiment occultée, commence à mettre en œuvre la
libéralisation du secteur de l’énergie dans notre pays. C’est d’une
extrême importance.
D’autres solutions auraient pu être trouvées.
Le sénateur Courteau avait proposé la prolongation des concessions
pendant quatre-vingt-dix ans. La solution qui nous est proposée ne
paraissait pas nécessaire. Il fallait engager une étude beaucoup plus
longue.
Par ailleurs, les organisations syndicales sont unanimes
pour reconnaître les problèmes créés par cet article. Madame la
ministre, vous nous avez dit tout à l’heure – mais peut-être ne
parliez-vous pas spécialement de cet article – qu’il y avait une forte
attente de la part des personnels. Ce n’est pas le cas : les personnels
ne s’y retrouvent pas – j’insiste sur ces mots. Vous dites aussi qu’il y
aura un renforcement du contrôle public : non, ce ne sera pas le cas
non plus, il y aura au contraire une libéralisation.
J’ai souhaité
m’exprimer avec une certaine gravité, car la décision que nous devons
prendre est véritablement grave. C’est pourquoi chacun devra décider de
son vote en toute conscience.
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Barrages hydroélectriques: les vannes de la libéralisation sont ouvertes. Par André Chassaigne
Le projet de loi relatif à la transition énergétique,
examiné la semaine dernière en urgence à l’Assemblée nationale, et
sous la contrainte du temps programmé, aura tout de même donné lieu à
une clarification sur les conceptions fondamentales que chacun porte sur
notre futur système énergétique. Malheureusement, les fondements de la
maîtrise publique du secteur, acquise par le travail acharné du ministre
communisteMarcel Paul, avec la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, continuent d’être attaqués sans relâche.
Pour ne prendre qu’un exemple, les articles 28 et 29 consacrés aux concessions hydrauliques, et dont les députés communistes et du Front de Gauche ont défendu la suppression,
vont permettre l’ouverture à la concurrence de l’exploitation de ces
concessions, autrement dit la privatisation des barrages. L’article 29 crée
ainsi une nouvelle catégorie de société d’économie mixte (SEM) qui
aurait la charge de l’exploitation des nouvelles concessions. Mais ces
SEM, originellement prévues avec une part majoritaire du public et une
part minoritaire du privé, verraient leur part publique réduite à 34 %
du capital. Cela signifie que l’investissement privé pourra monter à
66 %... une privatisation qui ne veut pas dire son nom !
Cette perspective d’attribuer à d’autres opérateurs l’exploitation
d’ouvrages jusqu’alors concédés à EDF nourrit naturellement de
nombreuses interrogations et inquiétudes.
Le
premier problème concerne la hausse des tarifs, puisque une redevance
importante sera imposée aux nouveaux exploitants, ce qui conduira
mécaniquement et inévitablement à une hausse des prix.
Le
deuxième problème a trait à la continuité de l’approvisionnement du
réseau électrique, soumis à la bonne volonté des nouveaux exploitants.
Pour des raisons de rentabilité, un exploitant pourra s’abstenir de
fournir de l’électricité, même en cas d’urgence consécutive à des aléas
climatiques, s’il estime qu’il pourra gagner plus d’argent à une autre
échéance.
Le troisième problème concerne les garanties accordées à tous les
acteurs de l’eau. Chacun sait qu’un barrage ne sert pas uniquement à la
production électrique mais aussi à d’autres usages (pêche, tourisme,
irrigation, activités sportives…). Qu’est-ce qui empêchera demain un
exploitant privé d’accompagner ces usages d’une compensation
financière ?
Le quatrième problème est celui des inévitables destructions
d’emplois. Les inquiétudes sont grandes quant à l’avenir du personnel
des exploitants actuels.
L’histoire des privatisations dans notre pays montre bien que, dans les
faits, on commence par une petite ouverture pour arriver
progressivement, par sédimentation, à la libéralisation totale. Et nous
savons par expérience ce que donne la privatisation : l’intérêt général
disparaît au profit d’intérêts privés, d’intérêts financiers. Une
véritable loi de transition énergétique devrait au contraire s’attacher à
réorienter la politique de l’énergie vers des logiques de long terme,
qui ne peuvent être mises en œuvre que par la maîtrise publique, et non
pas par la recherche d’intérêts financiers, nécessairement de court
terme. Ainsi, pour la production hydroélectrique, d’autres solutions
auraient pu être trouvées, comme la prolongation des concessions pendant
quatre-vingt-dix ans.
André Chassaigne
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