Vous trouverez ci-dessous l'intervention de Gérard Piel, président du groupe Front de Gauche, lors du débat d'orientations
budgétaires du Conseil Régional.
Nos débats budgétaires actuels se déroulent une nouvelle fois dans un contexte économique et social dramatique pour une
large partie des habitants de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La
crise qui dure depuis plus de 6 ans s’est encore renforcée sur notre
territoire avec ce que cela peut engendrer en
termes d’inégalités et de reculs des conditions de vie, voire de
survie, chez nos concitoyens qui paient chaque jour les conséquences
d’une crise dont ils ne portent aucune responsabilité.
Le
gouvernement, non content de s’asseoir sur l’ensemble des engagements
pris devant les français, s’applique aujourd’hui à
décliner avec zèle les principes d’un libéralisme décomplexé alliant
désengagement croissant de l’Etat et soumission aux intérêts des
marchés et du Medef sans aucun recul sur les conséquences des
politiques qu’il mène.
Car qui peut dire aujourd’hui que cette politique faite de renoncements, de mépris envers les aspirations populaires et
d’appel à se serrer la ceinture porte ses fruits ?
Qui peut oser dire aujourd’hui que la course effrénée à la baisse de la dépense publique permet une quelconque reprise dans
notre pays ?
Qui peut dire que les baisses de charges et la casse du droit du travail ont permis de faire baisser le
chômage ?
Au contraire, la crise s’aggrave et la pauvreté, la précarité et le chômage continuent de croitre sans qu’aucune remise en
cause des dogmes libéraux qui tiennent lieu d’idéologie indépassable ne soit envisagée.
Le chômage croit sans discontinuer pour toucher aujourd’hui plus de 5 millions de personnes.
La pauvreté s’étend dangereusement, une personne sur six dans notre pays essayant de vivre avec moins de 977 euros par
mois.
Les
plans sociaux se multiplient, le logement devient inaccessible, les
salaires stagnent, la croissance ne repart pas… et
j’arrête là une litanie qui n’a pas vocation à être exhaustive mais à
démontrer que sur les objectifs qui devraient être prioritaires pour
des dirigeants qui se revendiquent de la gauche, l’échec
est patent.
Et toute à leur obsession de faire reculer la dépense publique, et par là-même l’action publique, ils entrainent les
collectivités locales dans la spirale de l’austérité et de la réduction de leurs interventions.
Les collectivités en général et la nôtre en particulier, sont sommées de réduire leurs dépenses pour participer au grand
effort collectif de redressement des comptes publics.
Pour
ce faire, les dotations de fonctionnement sont une nouvelle fois
réduites, cette année de plus de 33 millions d’euros,
à quoi s’ajoute 15 millions d’euros de baisse de la compensation des
indemnités aux employeurs d’apprentis, soit un recul des financements
de l’Etat de l’ordre de 48 millions d’euros alors même
que les missions qui nous incombent ont tendance à augmenter ces
derniers mois.
En
conséquence de quoi, les perspectives politiques tracées par le ROB
demeurent intéressantes, mais elles nous
apparaissent également inatteignables tant le budget de notre
collectivité sera contraint par les désengagements croissants du
gouvernement sans que nous réclamions vraiment les moyens de mener à
bien nos politiques.
L’Etat aggrave la casse des collectivités engagée par Nicolas Sarkozy, casse que nous dénoncions alors collectivement, mais
aujourd’hui la collectivité régionale semble paralysée dans son soutien au gouvernement.
Est-ce
à considérer que ce que nous rejetions sous Nicolas Sarkozy est devenu
acceptable sous François Hollande, ou est-ce
notre rôle, en tant que conseillers régionaux de gauche,
d’interpeller le gouvernement sur l’inefficacité, maintes fois
constatée, des politiques d’austérité qu’ils s’entêtent à mener au pas
de
charge ?
Notre
groupe vous alerte depuis plus de deux ans sur les dangers que fait
courir la politique gouvernementale pour l’avenir
de nos collectivités ; sur l’impact dramatique de la contre-réforme
territoriale et la création des métropoles ; sur les renoncements
scandaleux en matière fiscale ; sur les dogmes
de la réduction des déficits publics ou de la politique de l'offre
qui plombent la reprise économique en France et en PACA.
Nous vous demandons depuis plus de deux ans de ne pas accepter cette mise au pas et de réclamer le remboursement des sommes
dues par l’Etat au Conseil Régional, comme nous le faisions sous la mandature de Nicolas Sarkozy.
Nous
regrettons que les Régions de France,
majoritairement de gauche, n’aient pas mené ce combat, et nous nous
retrouvons aujourd’hui à tenter de boucler un budget sans les moyens
financiers nécessaires.
Le
groupe Front de Gauche refuse
d’appréhender ce budget sous le prisme unique des réductions
budgétaires que nous serions contraints d’effectuer et vous demande de
partir des besoins et des urgences exprimés par la population
dans la définition de nos politiques publiques.
Nous
avions déjà exprimé de vives réserves concernant l’élaboration des
trois derniers budgets régionaux parce qu’ils ne
nous semblaient pas à la hauteur des besoins et du combat que nous
devons mener pour redonner un peu d’espoir à la population et répondre
au mandat pour lequel le peuple nous a élu : faire
la Région un bouclier social à la crise.
Nous
connaissons la situation financière contrainte à laquelle doit faire
face notre collectivité, nous ne nions pas cet
état de fait mais nous n’acceptons pas que notre rôle se borne à
procéder à des coupes claires dans les dépenses alors même qu’il n’a
jamais été possible d’engager un véritable débat sur la
question des recettes.
Nous vous demandons de faire preuve de courage politique, de vous opposer aux logiques financières qui nous gouvernent pour
préparer un budget à même de répondre aux urgences auxquelles sont confrontés les habitants de PACA.
Notre territoire souffre encore plus durement des conséquences de la crise que le reste du pays et notre responsabilité est
d’apporter des réponses ambitieuses à toutes celles et ceux qui comptent sur nous pour vivre mieux à défaut de vivre bien.
Ces
réponses nous les devons aux 434 000 chômeurs, aux 806 000 personnes
qui vivent sous le seuil de pauvreté, aux
quart des enfants de moins de 6 ans qui vivent dans une famille
pauvre, aux jeunes qui n’accèdent ni à l’emploi ni au logement, aux
salariés qui luttent bien seuls pour maintenir l’emploi sur le
territoire de notre région.
L’absence
d’engagements progressistes et ambitieux de la part du gouvernement, et
bientôt des collectivités, accroit chaque
jour la désespérance et contribue à renforcer dangereusement
l’audience politique et électorale du Front National et de son programme
alliant démagogie et repli identitaire.
Pour lutter contre cela et redonner espoir en la politique, notre collectivité doit être à l’offensive, se fixer des
priorités fortes et se donner les moyens d’y répondre.
Pour les conseillers régionaux Front de Gauche elles sont claires, il s’agit de l’emploi, des services publics et de la
lutte contre les inégalités.
En ce sens, il sera absolument nécessaire d’abonder davantage certaines lignes budgétaires qui concourent activement à
faire vivre le lien social sur le territoire régional.
Nous pensons notamment au soutien que nous apportons aux centres sociaux, dont la survie même est parfois menacée notamment
dans les villes dirigées par le Front National, à nos politiques de solidarité ou de réhabilitation des logements sociaux.
Il
n’est également plus acceptable d’envisager des baisses dans les
domaines de la culture ou de la vie associative, alors
même que nous savons ce que ces derniers représentent en matière
d’emploi et combien ils demeurent des outils efficaces de préservation
du lien social sur des territoires où souvent le service
public ne joue plus son rôle.
Par
ailleurs et face à la multiplication des plans sociaux, avec parfois le
scandaleux concours de l’Etat comme cela est le
cas sur le dossier des Moulins Maurel ou la SNCM, nous réclamons que
notre collectivité se place clairement et résolument aux côtés des
salariés qui luttent pour la réappropriation des moyens de
production et le maintien de l’emploi en PACA.
Deux
dossiers sont devant nous, la reprise de Nice-Matin par ses salariés et
le lancement de SCOP-TI par les Fralib,
dossiers sur lesquels l’action du Conseil Régional devra être
exemplaire pour permettre de sauver près de 1 200 emplois sur le
territoire.
Concernant
spécifiquement la situation de Nice-Matin, nous tenions ici à dire
notre satisfaction d’avoir vu le Conseil
Régional s’engager avec les salariés pour l’emploi, le pluralisme
et l’indépendance de la presse sur le territoire régional.
Mais sur le front de la lutte contre le chômage, ces dossiers seront rapidement complétés par d’autres tant la situation
sociale et économique se dégrade dans notre Région.
Le renforcement de la ligne budgétaire relative à l’aide aux entreprises en difficulté est donc absolument
indispensable et déterminant dans le positionnement de notre groupe sur le futur budget de la collectivité.
Les salariés en lutte doivent être certains de pouvoir trouver en notre majorité un interlocuteur fiable et concerné qui
s’engage à leurs côtés.
Enfin, tant pour lutter contre l’accroissement des inégalités que pour préserver les emplois induits par les
investissements publics, nous considérons qu’une augmentation des budgets en faveur des jeunes est indispensable.
Bien
entendu pour les lycées, avec le double objectif, d'abord de répondre
aux besoins importants d’amélioration des
conditions d’accueil des établissements, ensuite de réajuster les
moyens permettant d'assumer pleinement certaines politiques
volontaristes devenant obligatoires.
Mais il s'agit aussi de donner toutes les chances de réussite aux lycéens, dans une double dimension : pédagogique et de
construction de leur citoyenneté.
Des
investissements publics d'autant plus utiles qu'ils favorisent
l’emploi, les collectivités locales assurant, avec de
plus en plus de difficultés, plus de 70 % des investissements
publics avec des retombées absolument indispensables pour le
développement économique de nos territoires. La récente mobilisation des
entrepreneurs du BTP en est la parfaite illustration.
Il ne s’agit pas là de lubies de notre part mais du fruit de nos rencontres régulières avec la population qui nous alerte
inlassablement sur les difficultés qu’elle rencontre.
Comme
chaque année, nous avons entrepris une tournée des départements pour
mettre en débat les orientations du Conseil
Régional et construire avec la population des propositions
politiques à même d’améliorer les conditions de vie du plus grand
nombre.
Et cette année, encore plus que les précédentes, les inquiétudes sont grandes et les désengagements du Conseil Régional,
notamment en termes de soutien à la vie associative, sont identifiés et contestés.
Nous devons entendre la colère populaire et le sentiment d’impuissance de l’action politique qui en découle.
Nous devons être attentifs à ces appels et trouver le moyen de répondre à ces exigences en nous débarrassant des carcans
austéritaires que l’on tente de nous imposer.
Nous devons refuser le couplet du fatalisme, celui qui voudrait que la politique ne puisse rien face aux marchés et face
aux banques.
Nous ne sommes pas des gestionnaires mais des politiques et en tant que politiques nous devons croire en sa capacité à
transformer le réel et à être un puissant levier de changement, sinon à quoi servirions-nous ?
Et
pour ne pas être taxés de démagogues qui demandent toujours plus en
investissement sans abonder le chapitre
« recettes », nous vous proposons de décaler dans le temps les
contributions de la Région dans des projets où l’Etat participe, jusqu’à
concurrence des 33 M€ de baisse de dotation de
l’Etat au Conseil Régional.
Nous suggérons par exemple de baisser la
participation de la Région pour la L2 ou encore le tunnel de Tende.
Monsieur
le Président, nous devons avoir le courage de résister à l’austérité,
en portant haut et fort les valeurs de la
gauche dans l’intérêt de toutes celles et ceux qui souffrent de la
crise et des politiques menées actuellement et pour cela de réclamer les
moyens nécessaires.
Sans une réelle mobilisation de notre collectivité face au gouvernement, nous sommes condamnés à un simple rôle
d’administrateurs de l’austérité décentralisée.
Le groupe Front de Gauche s’y refuse avec force et appelle la majorité régionale à avoir le courage d’aller au bout de ses
engagements vis-à-vis du peuple de notre région.
Seul le prononcé fait foi.
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