Intégralité du discours (via un enregistrement audio) prononcé par Mumia Abu-Jamal lors de la cérémonie de remise de diplômes aux étudiants de l'Université du Goddard College le 5 octobre 2014
Chers étudiants, jeunes diplômés, parents et professeurs de l'Université de Goddard,
Je vous remercie de votre aimable invitation à me joindre à vous aujourd'hui pour prononcer ce discours de fin de cursus universitaire. J'ai quitté l'Université de Goddard alors que la plupart d'entre vous n'étaient sans doute pas encore nés.
La dernière fois que j'ai parcouru ce campus c'était à la fin des années 70. Mais bien que de nombreuses années aient passé, ce souvenir reste figé à jamais dans ma mémoire et continue de hanter mes rêves : le souvenir d'un campus extraordinaire embué d'effluves semblables à celles de la marijuana. J'ai été bouleversé par la verdeur des paysages et des pelouses à perte de vue, de ces grands arbres se dressant comme autant de sentinelles immuables. Les montagnes du Vermont sont d'une beauté à vous couper le souffle, du moins pour quelqu'un qui, comme moi, a grandi dans une cité. Je me souviens avec précision du chemin à travers bois qui conduisait aux dortoirs, des conférences sur ces nouvelles nations en voie de développement, et de mon pur ravissement face aux forêts splendides. Depuis combien de siècles ces arbres se dressent-ils sur notre terre? J'imagine les Indiens parcourant ces mêmes forêts tandis que mes pieds foulaient un sol qui a crissé sous leurs mocassins. Non seulement nous n'avons plus trace de ces nombreux peuples, chassés de la terre de leurs ancêtres, mais avec eux ont disparu l'amour et le respect qu'ils prodiguaient à cette terre, l'étroite relation qu'ils entretenaient avec la mère nourricière, la nature qu'ils vénéraient.
Le souvenir de ces immensités vivantes, plus sacrées que tout monument humain, ne m'a jamais quitté. Chaque fois que je pense à ce campus elles se dressent tel le phénix. Mais l'essentiel aujourd'hui ce n'est pas mon expérience mais la vôtre. C'est le jour de votre remise de diplômes et je vais vous parler, par habitude et fidélité à l'utopie qui a engendré l'Université de Goddard, de ce monde dans lequel vous allez entrer, un monde qui je l'espère vous saurez changer.
Comme nous le savons tous, la renommée de Goddard repose sur sa pédagogie originale, qui est un lieu où les élèves sont le moteur de l'apprentissage et où ils sont incités à suivre leur passion. Ceci conditionne leurs choix universitaires qui ne se limitent pas à un apprentissage mais qui aura aussi un impact et du sens dans la société où ils vont vivre. Vous savez que ce n'est pas un lieu qui clone ses étudiants. Goddard, profondément influencé par les idées de John Dewey (1859- 1952), cherche à atteindre un équilibre entre l'enseignant et l'enseigné. Ils cherchent ensemble comment réussir au mieux à répondre aux questions sociétales et philosophiques. Dewey disait : « L'éducation ce n'est pas une préparation à la vie. C'est la vie elle-même ».
Chers diplômés, ces mots n'ont jamais été aussi forts qu'aujourd'hui car notre nation est en grande difficulté, principalement en raison de sa politique réactionnaire tant à l'échelle du pays qu'au niveau international, ce qui nous a conduit au marasme que nous connaissons et qui a pour noms Gaza, Ferguson, et l'Irak à nouveau! Autant de lieux qui résonnent dans notre tête. Voici quelques-uns des défis mondiaux que vous aurez à relever. Etudiants de Goddard, vous savez que ces défis ne sont pas faciles à relever, mais qu'ils ne peuvent pas être ignorés.
Le savant brésilien Paulo Freire, et sa pédagogie révolutionnaire (Pédagogie pour les Opprimés) postule que seul l'accès à l'éducation peut transformer le mode de pensée et aider à comprendre le monde. De plus, ce n'est qu'en remettant en cause ses propres certitudes de façon radicale, que l'on peut être en phase avec le sens de l'évolution et de la nécessaire transformation sociale. On devient différent, condition préalable pour faire changer le monde.
Goddard, en raison de ses choix pédagogiques, offre aux étudiants un temps de réflexion pour résoudre des problèmes rarement discutés. À bien des égards, c'est ce qui fait que Goddard est Goddard : savoir discuter d'enjeux politiques et nationaux, ethniques et sociologiques, de sexisme et d'orientations sexuelles, de réfléchir à la place de chacun dans le monde et de son interaction face à un univers d'une complexité infinie. Et surtout comment des jeunes, et bien sûr des « moins jeunes », effrayés par ce vaste monde, peuvent faire entendre leur voix en toute quiétude au sein de ce vacarme effroyable? Comment cette voix peut-elle se créer un espace de vie, de réflexion, d'existence et de croissance ?
Nous savons que cela doit venir du plus profond de soi, de ce qui vous émeut ou vous passionne, de ce qui est votre être le plus intime, le plus authentique. Goddard, contrairement à la plupart des universités, vous demande d'écouter tranquillement cette voix, de l'interroger, voire de l'amplifier. Et qui sait si elle ne trouvera pas un écho national, voire mondial. Le changement et l'évolution sociale constituent la raison d'être de Goddard.
Nous avons besoin de nouvelles problématiques pour le monde du 21ème siècle et, encore plus vital, nous devons fournir de nouvelles solutions. Nous vivons dans un monde où rumeurs vraies ou fausses peuvent déclencher de grandes guerres ; un monde où les intérêts des lobbies passent avant les intérêts des travailleurs et souvenez-vous que, selon la Cour Suprême, ces grandes sociétés internationales sont des personnes « morales » ; un monde où il faut faire face aux catastrophes écologiques, le risque de manquer d'eau potable, la pollution de l'air et de l'environnement nocif des villes américaines qui sont autant de défis incontournables.
N'avons-nous pas besoin de nouvelles façons de penser ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que la pensée sociale, politique, écologique et globale n'est pas durable ! Aussi, peut-être certains d'entre vous, les nouveaux diplômés de Goddard, sauront comment relever les grands défis de la vie d'aujourd'hui et de demain.
Je le répète, mes rêveries dans les bois de Goddard, cette fraîcheur exquise de l'air hivernal, la respiration nocturne de centaines d'arbres magnifiques à feuilles persistantes continuent à m'apaiser l'esprit, alors même que je suis à des kilomètres et des décennies de la terre fraîche et douce de Goddard. Nos villes, construites pendant la période faste de l'ère industrielle, sont désormais englouties dans « l'ennui » post-industriel et ont un besoin urgent d'être reverdies. Il faudrait aménager des zones où les enfants et leurs mères puissent respirer et se rappeler le souffle du grand air vivifiant et non pas de l'air climatisé. Pensez à la myriade de problèmes qui assaillent ce pays et efforcez-vous de faire mieux. Voilà la vision de Dewey, et Goddard.
Je vous remercie de votre aimable invitation à me joindre à vous aujourd'hui pour prononcer ce discours de fin de cursus universitaire. J'ai quitté l'Université de Goddard alors que la plupart d'entre vous n'étaient sans doute pas encore nés.
La dernière fois que j'ai parcouru ce campus c'était à la fin des années 70. Mais bien que de nombreuses années aient passé, ce souvenir reste figé à jamais dans ma mémoire et continue de hanter mes rêves : le souvenir d'un campus extraordinaire embué d'effluves semblables à celles de la marijuana. J'ai été bouleversé par la verdeur des paysages et des pelouses à perte de vue, de ces grands arbres se dressant comme autant de sentinelles immuables. Les montagnes du Vermont sont d'une beauté à vous couper le souffle, du moins pour quelqu'un qui, comme moi, a grandi dans une cité. Je me souviens avec précision du chemin à travers bois qui conduisait aux dortoirs, des conférences sur ces nouvelles nations en voie de développement, et de mon pur ravissement face aux forêts splendides. Depuis combien de siècles ces arbres se dressent-ils sur notre terre? J'imagine les Indiens parcourant ces mêmes forêts tandis que mes pieds foulaient un sol qui a crissé sous leurs mocassins. Non seulement nous n'avons plus trace de ces nombreux peuples, chassés de la terre de leurs ancêtres, mais avec eux ont disparu l'amour et le respect qu'ils prodiguaient à cette terre, l'étroite relation qu'ils entretenaient avec la mère nourricière, la nature qu'ils vénéraient.
Le souvenir de ces immensités vivantes, plus sacrées que tout monument humain, ne m'a jamais quitté. Chaque fois que je pense à ce campus elles se dressent tel le phénix. Mais l'essentiel aujourd'hui ce n'est pas mon expérience mais la vôtre. C'est le jour de votre remise de diplômes et je vais vous parler, par habitude et fidélité à l'utopie qui a engendré l'Université de Goddard, de ce monde dans lequel vous allez entrer, un monde qui je l'espère vous saurez changer.
Comme nous le savons tous, la renommée de Goddard repose sur sa pédagogie originale, qui est un lieu où les élèves sont le moteur de l'apprentissage et où ils sont incités à suivre leur passion. Ceci conditionne leurs choix universitaires qui ne se limitent pas à un apprentissage mais qui aura aussi un impact et du sens dans la société où ils vont vivre. Vous savez que ce n'est pas un lieu qui clone ses étudiants. Goddard, profondément influencé par les idées de John Dewey (1859- 1952), cherche à atteindre un équilibre entre l'enseignant et l'enseigné. Ils cherchent ensemble comment réussir au mieux à répondre aux questions sociétales et philosophiques. Dewey disait : « L'éducation ce n'est pas une préparation à la vie. C'est la vie elle-même ».
Chers diplômés, ces mots n'ont jamais été aussi forts qu'aujourd'hui car notre nation est en grande difficulté, principalement en raison de sa politique réactionnaire tant à l'échelle du pays qu'au niveau international, ce qui nous a conduit au marasme que nous connaissons et qui a pour noms Gaza, Ferguson, et l'Irak à nouveau! Autant de lieux qui résonnent dans notre tête. Voici quelques-uns des défis mondiaux que vous aurez à relever. Etudiants de Goddard, vous savez que ces défis ne sont pas faciles à relever, mais qu'ils ne peuvent pas être ignorés.
Le savant brésilien Paulo Freire, et sa pédagogie révolutionnaire (Pédagogie pour les Opprimés) postule que seul l'accès à l'éducation peut transformer le mode de pensée et aider à comprendre le monde. De plus, ce n'est qu'en remettant en cause ses propres certitudes de façon radicale, que l'on peut être en phase avec le sens de l'évolution et de la nécessaire transformation sociale. On devient différent, condition préalable pour faire changer le monde.
Goddard, en raison de ses choix pédagogiques, offre aux étudiants un temps de réflexion pour résoudre des problèmes rarement discutés. À bien des égards, c'est ce qui fait que Goddard est Goddard : savoir discuter d'enjeux politiques et nationaux, ethniques et sociologiques, de sexisme et d'orientations sexuelles, de réfléchir à la place de chacun dans le monde et de son interaction face à un univers d'une complexité infinie. Et surtout comment des jeunes, et bien sûr des « moins jeunes », effrayés par ce vaste monde, peuvent faire entendre leur voix en toute quiétude au sein de ce vacarme effroyable? Comment cette voix peut-elle se créer un espace de vie, de réflexion, d'existence et de croissance ?
Nous savons que cela doit venir du plus profond de soi, de ce qui vous émeut ou vous passionne, de ce qui est votre être le plus intime, le plus authentique. Goddard, contrairement à la plupart des universités, vous demande d'écouter tranquillement cette voix, de l'interroger, voire de l'amplifier. Et qui sait si elle ne trouvera pas un écho national, voire mondial. Le changement et l'évolution sociale constituent la raison d'être de Goddard.
Nous avons besoin de nouvelles problématiques pour le monde du 21ème siècle et, encore plus vital, nous devons fournir de nouvelles solutions. Nous vivons dans un monde où rumeurs vraies ou fausses peuvent déclencher de grandes guerres ; un monde où les intérêts des lobbies passent avant les intérêts des travailleurs et souvenez-vous que, selon la Cour Suprême, ces grandes sociétés internationales sont des personnes « morales » ; un monde où il faut faire face aux catastrophes écologiques, le risque de manquer d'eau potable, la pollution de l'air et de l'environnement nocif des villes américaines qui sont autant de défis incontournables.
N'avons-nous pas besoin de nouvelles façons de penser ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que la pensée sociale, politique, écologique et globale n'est pas durable ! Aussi, peut-être certains d'entre vous, les nouveaux diplômés de Goddard, sauront comment relever les grands défis de la vie d'aujourd'hui et de demain.
Je le répète, mes rêveries dans les bois de Goddard, cette fraîcheur exquise de l'air hivernal, la respiration nocturne de centaines d'arbres magnifiques à feuilles persistantes continuent à m'apaiser l'esprit, alors même que je suis à des kilomètres et des décennies de la terre fraîche et douce de Goddard. Nos villes, construites pendant la période faste de l'ère industrielle, sont désormais englouties dans « l'ennui » post-industriel et ont un besoin urgent d'être reverdies. Il faudrait aménager des zones où les enfants et leurs mères puissent respirer et se rappeler le souffle du grand air vivifiant et non pas de l'air climatisé. Pensez à la myriade de problèmes qui assaillent ce pays et efforcez-vous de faire mieux. Voilà la vision de Dewey, et Goddard.
Permettez-moi de dire quelque chose dont je n’ai jamais parlé jusqu’à ce jour. Quand je suis arrivé à Goddard, j'étais très intimidé. Bien que les enseignants et mon entourage m'aient dit que je pouvais réussir, je ne les croyais guère. Je me sentais terriblement mal préparé. Mais devinez quoi ? Goddard m'a donné confiance et c'est un sentiment qui ne m'a jamais quitté depuis. Je suis revenu à Goddard, de nombreuses années plus tard, condamné à mort et avec une date d'exécution. J'ai cependant pu faire valider mes unités de valeur par le biais du programme de formation permanente, reprendre mes études et rédiger mon mémoire en reprenant les écrits de Franz Fanon et Ignacio Martín Barό sur l'émancipation par la psychologie et la théologie. Il n’y a qu’à Goddard où on puisse faire cela. Seulement à Goddard !
Goddard a éveillé en moi la passion d'apprendre. Par l'esprit, j'ai quitté le couloir de la mort pour me rendre en France, où Fanon a étudié la psychiatrie, et à l'hôpital de Blida, au nord d'Alger, où il l’a pratiquée avant de rejoindre la révolution algérienne. En étudiant Martín Barό, je me suis rendu au Salvador - toujours par l’esprit - où il a travaillé en tant que prêtre et psychologue pour contribuer à l'alphabétisation des paysans quand la nation gémissait sous la terreur militaire soutenue par El Norte, représentant de l'Impérialisme Américain. Qui étaient ces personnages ? Eh bien, Fanon est né dans une île des Caraïbes, La Martinique, qui était alors une colonie française. Quand il a vu combien étaient opprimés les arabes d'Algérie, il a ressenti l'urgence de se joindre à la révolution avec ceux qu'il appelait « les damnés de la terre ». Ignacio Martín Barό fait partie des six prêtres jésuites, ainsi qu'une femme de ménage et sa fille, tués par l'escadron Atlacatl, entraîné par les Américains, un escadron de la mort salvadorien.
Goddard a soutenu ces « voyages à l'étranger », même s'ils n'étaient que spirituels, et je remercie l'université, tous mes amis et tous les étudiants de m'avoir ré-ouvert une porte fermée depuis des décennies. Goddard m'a permis d'étudier ce qui m'intéresse et me passionne le plus - les mouvements révolutionnaires - et par ce biais l'histoire, la psychologie, la politique, et bien sûr l'économie. Dans l'un des lieux les plus répressifs de la planète, le couloir de la mort, Goddard m'a permis de faire des recherches sur l'émancipation des peuples et des luttes anticoloniales de deux continents : l'Afrique et l'Amérique centrale. Je vous remercie pour cette rare opportunité.
Pour vous, jeunes diplômés, vos études - vos voyages en terre inconnue - vont vous apporter des connaissances nouvelles et la confiance nécessaire pour travailler dans ce monde, pour tenter de créer un monde nouveau. Votre travail ne limitera pas seulement obtenir un emploi, ce sera aussi le moyen de faire entendre une certaine différence.
Merci mes amis de m'avoir fait revenir à Goddard.
Si cette université vous apporte ne serait-ce que la moitié de ce qu'elle m'a apporté, je vous assure que ce sera déjà beaucoup. Maintenant, retenez quelques-uns des principes que vous avez appris et appliquez-les au monde réel pour contribuer aux changements que vous souhaitez voir s'accomplir.
Je vous remercie tous.
Mumia Abu-Jamal, de la promotion Goddard 1996
Goddard a éveillé en moi la passion d'apprendre. Par l'esprit, j'ai quitté le couloir de la mort pour me rendre en France, où Fanon a étudié la psychiatrie, et à l'hôpital de Blida, au nord d'Alger, où il l’a pratiquée avant de rejoindre la révolution algérienne. En étudiant Martín Barό, je me suis rendu au Salvador - toujours par l’esprit - où il a travaillé en tant que prêtre et psychologue pour contribuer à l'alphabétisation des paysans quand la nation gémissait sous la terreur militaire soutenue par El Norte, représentant de l'Impérialisme Américain. Qui étaient ces personnages ? Eh bien, Fanon est né dans une île des Caraïbes, La Martinique, qui était alors une colonie française. Quand il a vu combien étaient opprimés les arabes d'Algérie, il a ressenti l'urgence de se joindre à la révolution avec ceux qu'il appelait « les damnés de la terre ». Ignacio Martín Barό fait partie des six prêtres jésuites, ainsi qu'une femme de ménage et sa fille, tués par l'escadron Atlacatl, entraîné par les Américains, un escadron de la mort salvadorien.
Goddard a soutenu ces « voyages à l'étranger », même s'ils n'étaient que spirituels, et je remercie l'université, tous mes amis et tous les étudiants de m'avoir ré-ouvert une porte fermée depuis des décennies. Goddard m'a permis d'étudier ce qui m'intéresse et me passionne le plus - les mouvements révolutionnaires - et par ce biais l'histoire, la psychologie, la politique, et bien sûr l'économie. Dans l'un des lieux les plus répressifs de la planète, le couloir de la mort, Goddard m'a permis de faire des recherches sur l'émancipation des peuples et des luttes anticoloniales de deux continents : l'Afrique et l'Amérique centrale. Je vous remercie pour cette rare opportunité.
Pour vous, jeunes diplômés, vos études - vos voyages en terre inconnue - vont vous apporter des connaissances nouvelles et la confiance nécessaire pour travailler dans ce monde, pour tenter de créer un monde nouveau. Votre travail ne limitera pas seulement obtenir un emploi, ce sera aussi le moyen de faire entendre une certaine différence.
Merci mes amis de m'avoir fait revenir à Goddard.
Si cette université vous apporte ne serait-ce que la moitié de ce qu'elle m'a apporté, je vous assure que ce sera déjà beaucoup. Maintenant, retenez quelques-uns des principes que vous avez appris et appliquez-les au monde réel pour contribuer aux changements que vous souhaitez voir s'accomplir.
Je vous remercie tous.
Mumia Abu-Jamal, de la promotion Goddard 1996
Collectif français de soutien à Mumia Abu-Jamal rassemblant une centaine d’organisations et de collectivités publiques
43, boulevard de Magenta 75010 Paris / TEL : 01 53 38 99 99 / E MAIL : contact@mumiabujamal.com
MEMBRE DE LA COALITION MONDIALE CONTRE LA PEINE DE MORT
www.mumiabujamal.com
43, boulevard de Magenta 75010 Paris / TEL : 01 53 38 99 99 / E MAIL : contact@mumiabujamal.com
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Entretien téléphonique réalisé par DEMOCRACY NOW
(chaîne de télévision et
d'investigation indépendante de New York)
Mumia Abu-Jamal répond
aux questions d'Amy Goodman
sur la nouvelle loi
privant les prisonniers de Pennsylvanie
de leur
droit d'expression.
Dans un long entretien téléphonique
entre Amy Goodman, de Democracy Now (chaîne de télévision et d'investigation
indépendante de New York) et le journaliste et ancien membre des Panthères Noires,
Mumia Abu-Jamal dit ce qu'il pense de la nouvelle loi votée par le Congrès de
Pennsylvanie qui autorise la censure de déclarations publiques de prisonniers
et d'anciens prisonniers si un juge estime que les laisser s'exprimer porterait
« préjudice moral » aux victimes.
AMY GOODMAN: Vous êtes sur Democracy Now ! Je suis Amy Goodman et nous allons discuter
de la Pennsylvanie
où le Gouverneur Républicain, Tom Corbett, vient de promulguer une loi qui,
selon ses opposants, viole le droit de libre expression des prisonniers et
anciens condamnés. Cette loi a été votée après que l'un des prisonniers les
plus célèbres de l’Etat, Mumia Abu-Jamal, ait prononcé un discours
pré-enregistré pour la remise de diplômes aux étudiants de l'université du
Vermont, Goddard College en début de mois. L'opposition est menée par la veuve de
Daniel Faulkner, le policier qu'Abu-Jamal est accusé d'avoir tué. L’association
American Civil Liberties Union (ACLU,
l'équivalent de la Ligue
des Droits de L'homme) de Pennsylvanie a dénoncé cette nouvelle législation, la
définissant comme « trop générale et imprécise » et « non
conforme au Premier Amendement » de la Constitution des
Etats-Unis garantissant la liberté d'expression des citoyens et de la presse. Mumia
Abu-Jamal est maintenant en ligne depuis la prison de SCI Mahanoy à Frackville,
Pennsylvanie. Mumia Abu-Jamal, bienvenue sur Democracy Now !
MUMIA ABU-JAMAL: Comment allez-vous, Amy ?
AMY GOODMAN: Contente de pouvoir vous parler. Peut-on parler de
votre situation ? Parlez-nous de l'endroit où vous vous trouvez en ce moment.
MUMIA ABU-JAMAL: En ce moment, comme vous pouvez l'entendre, je
suis dans une grande salle d'une partie de l'unité B à Mahanoy. Autour de moi
il y a environ 45 prisonniers assis et jouant aux cartes, aux dominos, aux
échecs, discutant, certains lisent, d'autres dans un coin regardent la
télévision. Ce sont les gens qui m'entourent, du moins quand je ne suis pas
enfermé dans ma cellule.
AMY GOODMAN: Alors on parle encore de vous aux infos à cause
d'une loi qui vient d'être promulguée par le Gouverneur Corbett de Pennsylvanie
et qui limiterait votre droit d'expression, juste après votre discours
enregistré pour la remise de diplômes à Goddard. Qu'avez-vous à dire ?
MUMIA ABU-JAMAL: Je trouve vraiment incroyable que Tom Corbett
puisse ainsi bafouer la
Constitution : c'est un ancien Procureur de Pennsylvanie et
en tant que Gouverneur il fait passer une loi qu'il sait par essence
inconstitutionnelle …
L'OPERATEUR:
Cet appel vient de State Correctional
Institution à Mahanoy et il est écouté et enregistré.
MUMIA ABU-JAMAL: D'autre part, en tant que Gouverneur, ancien Procureur
et membre du barreau il a juré sous serment de défendre et protéger la Constitution de
l'Etat de Pennsylvanie et la
Constitution des Etats-Unis d'Amérique. En ratifiant cette
loi il s'est parjuré aussi bien en tant que Gouverneur qu'en tant que Procureur.
Comme je viens de le dire, il connaît la loi. Il connaît le cas Snyder v. Phelps. Je suis certain que cette
affaire vous dit quelque chose. Les membres de la paroisse allaient aux
enterrements pour harceler les familles des défunts (propos homophobes et
anti-catholiques). Les familles enterraient leurs fils soldats et les
paroissiens brandissaient des pancartes et criaient des slogans hostiles autour
des familles. Les paroissiens ont fait remonter leur appel jusqu'à la Cour Suprême car une
loi semblable à la « Revictimization
Relief Act » leur était opposée. Et toutes les Cours ont jugé cette
loi contraire au Premier Amendement, y compris la Cour Suprême des Etats-Unis, qui dans un vote à 8 contre 1 a déclaré que ces paroissiens
étaient protégés par le Premier Amendement et qu'on ne pouvait pas les accuser
« d'avoir intentionnellement causé un préjudice émotionnel ». Donc la loi de Pennsylvanie est
inconstitutionnelle et Tom Corbett (uncontitutional Tom, comme je l'appelle) le
sait. Vous voyez où on en est : des élus, des législateurs, des
gouverneurs, qui ont prêté serment sur la Bible, violent la constitution et nous privent de
notre liberté d'expression en toute connaissance de cause.
AMY GOODMAN: Voici ce que le Gouverneur Corbett dit pour
justifier sa loi : « Alors que les citoyens respectueux des lois
disposent d'un ensemble de droits, droit de s'exprimer et de se déplacer
librement, les condamnés sont emprisonnés car ils ont enfreint la loi et ont
donc perdu leurs droits civiques. Et personne n'a le droit de continuer à
provoquer les victimes de leurs délits dans l'espace public ». Que
répondez-vous Mumia Abu-Jamal ?
MUMIA ABU-JAMAL: Je dis que c'est ridicule. Je n'ai jamais
provoqué personne. Comme vous le savez en tant que journaliste j'ai rarement
commenté les évènements du 9 décembre 1981. Je parle d'un tas d'autres sujets.
Je n'en parlais pas non plus dans mon discours de Goddard. La plupart des gens
qui ont voté cette loi, qu'ils soient députés ou sénateurs ou gouverneur n'ont
jamais entendu mon discours. Je les invite à en prendre connaissance et à voir
que c'est insensé ce que dit Corbett « Tom l'anticonstitutionnel ».
En voici un autre exemple : la Cour Suprême des Etats-Unis, dans un autre cas Simon & Schuster v. New York Crime
Victims Board, a jugé les actes de l'administration et la loi sur laquelle
ils s'appuyaient inconstitutionnels (droits d'auteur d'un condamné versés au
profit des victimes). Et d'après mes souvenirs cela date de 1991. Vous vous
souvenez, c’était quand vous m'avez appelé et qu'ils sont venus arracher la
prise téléphonique ?
AMY GOODMAN: Qui avait arraché la prise ?
MUMIA ABU-JAMAL: C'était un gardien. J'étais en train de vous
parler. On discutait en direct. Et soudain, plus de téléphone. Et j'ai aperçu
un gardien qui arrachait la prise du téléphone. Moi je continuais à appeler « Hello Amy, hello ? »
parce que je n'y croyais pas, je ne croyais pas qu'il puisse faire une chose
pareille. Bien sur ce n'était pas longtemps après la publication de mon livre « En Direct du Couloir de la Mort » et la
pénitentiaire m'a sanctionné puis a porté plainte (cas Abu-Jamal v. Price). La Cour Fédérale du 3ème Circuit (Philadelphie) a
statué que la
Constitution garantissait mon droit à l'écriture. Si selon le
Premier Amendement j'ai le droit d'écrire comment peut-il être déclaré
inconstitutionnel de lire mes écrits ?
AMY GOODMAN: Mumia Abu-Jamal, dans la presse, on lit la
déclaration suivante de Maureen Faulkner, après que le Gouverneur Corbett ait promulgué
cette loi (appelée désormais la loi Mumia) : « être en voiture, sur les routes de Californie et entendre le discours
de Mumia à Goddard College ne peut que rouvrir des plaies ».
MUMIA ABU-JAMAL: Je suis désolée pour elle. Vous savez, quand les
gens entendent quelque chose qui les dérange ils changent de station. Elle
pouvait donc écouter une autre radio. Quant à la loi, elle ne visait qu’une seule
personne, selon les propos tenus lors des débats de la commission des lois. Ils
ont rédigé une loi à partir de fausses allégations envers l'Université où j’ai
fait mes études. J'étais invité par les étudiants, les professeurs et la
direction du College Goddard pour expliquer ce que signifiait pour moi être
étudiant à Goddard. C'est ce que j'ai fait. Et si ceci n'est pas protégé par la
loi alors la loi ne sert à rien. Si les droits d'un individu ne sont pas
garantis par la loi c'est un préjudice pour tous. Ce n'est pas moi qui ai fait
serment de protéger et de défendre la Constitution de Pennsylvanie et des Etats-Unis.
Je n'ai pas besoin de le faire. Mais parmi les personnes qui l'ont fait nombre savent
qu'elles ont violé la
Constitution en votant cette loi.
AMY GOODMAN: Mumia, Debo
Adegbile a été proposé comme directeur de la Défense des Droits Civiques au Ministère de la Justice par le Président
Obama. Mais, parce qu'il a été associé à un dossier de la NAACP
Legal Defense Fund,
un dossier que la NAACP
a défendu et gagné, sa candidature a été rejetée, les sénateurs invoquant votre
cas. Expliquez-nous ce qui s'est passé.
MUMIA ABU-JAMAL: Eh bien je ne vois pas bien comment...
L'OPERATEUR:
Cet appel vient de State Correctional Institution at Mahanoy et il est écouté
et enregistré.
MUMIA ABU-JAMAL: en fait, je n'ai jamais rencontré cet homme.
Je ne lui ai jamais parlé. Ce que je sais c’est qu’il est devenu directeur de la NAACP à la suite du décès de
John Payton. De ce fait, son nom apparaissait sur mon recours. J'ai vu sa photo
dans la presse. Mais je n’avais jamais entendu parler de lui avant de voir son
nom dans les journaux. C'est un homme dont la carrière a été brisée par le FOP
(Ordre Fraternel de la Police)
qui achète ou intimide les gens pour le forcer à se parjurer. On peut penser
qu'il n'avait pas la légitimité pour devenir directeur du département des
Droits Civiques mais c'était le choix du président et je pense qu'il avait de
bonnes raisons de le choisir. Mais utiliser mon cas pour lui faire barrage
c'est une tragédie pour cet homme et sa famille. Et tout cela repose sur des mensonges.
Les seules choses que je sache, d’après ce que j'ai entendu et ce que l'on m'a
dit, c'est que cet homme est un juriste brillant et intègre, qui vient d'une
famille pauvre, qui a travaillé dur pour faire une licence de droit et qui a
consacré ses talents d'avocat à défendre le droit de vote et les droits
civiques pour tous.
AMY GOODMAN: Mumia Abu-Jamal, je sais qu'il ne nous reste que
quelques minutes avant qu'ils ne coupent la communication, limitée à 15 minutes,
mais je voulais savoir ce que signifie pour vous ce transfert du couloir de la
mort au régime général.
MUMIA ABU-JAMAL: Il ne se passe pas un jour sans que je pense à
tous mes camarades, hommes et femmes - parce qu'il y a aussi des femmes dans le
couloir de la mort en Pennsylvanie - à mes frères et mes soeurs qui sont
toujours dans l’enfer de ce couloir. Et c'est si différent de l'enfermement 24
heures sur 24 que c'est difficile de faire des comparaisons …
L'OPERATEUR:
Il vous reste 30 secondes.
MUMIA ABU-JAMAL: Enfermer les gens aussi longtemps en les
gardant à l'isolement total est contraire à
la
Constitution. J'aimerais que la Pennsylvanie respecte
la Constitution,
pas seulement pour moi mais aussi pour que tous les hommes et les femmes qui
sont dans le couloir de la mort soient incarcérés dans les conditions de la
population générale où je suis maintenant.
AMY GOODMAN: Vous écrivez beaucoup de chroniques en particulier
sur la guerre. Ca fait quoi d'observer la guerre depuis une cellule de prison ?
L'OPERATEUR:
Il vous reste 30 secondes.
MUMIA ABU-JAMAL: Ce n'est pas très différent d'ici, c'est
horrible et terrifiant mais cela annonce la fin de cet empire. Vous ne pouvez pas
bombarder les peuples en prétendant leur apporter la paix. Les bombes
n'apportent que la mort et la souffrance. C'est effroyable …
AMY GOODMAN: C'était Mumia Abu-Jamal. Il nous parlait au
téléphone depuis la prison de SCI Mahanoy à Frackville, Pennsylvanie, où il est
condamné à passer le reste de sa vie.
rassemblant une centaine d’organisations et de collectivités publiques
43, boulevard de Magenta 75010 Paris / TEL : 01 53 38 99 99 / E MAIL : contact@mumiabujamal.com
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La projet de Loi "Relief Act Revictimisation" privant les prisonniers de Pennsylvanie de leur droit d'expression (notamment à propos de leur condamnation) a été adopté, en procédure d'urgence, par les deux chambres de l'Etat :
RépondreSupprimer- la Chambre des Représentants a validé le projet par un vote unanime (!) des députés Républicains et Démocrates (197 pour et aucun contre) ;
- le Sénat a approuvé majoritairement le projet par 37 voix pour et 11 contre.
De nombreux commentateurs de la presse américaine - qui considèrent Mumia comme un criminel - soulignent que cette loi liberticide, outre son inconstitutionnalité vraisemblable, est un acte législatif contestable car son seul objectif est de bâillonner Mumia Abu-Jamal au détriment des droits de tous les autres prisonniers. Pour les défenseurs des droits et des libertés, c'est d'autant plus inacceptable, comme le déclare l'ACLU (The American Civil Liberties Union), que "le législateur dispose déjà des moyens légaux pour restreindre leur liberté d'expression" à l'exemple d'un détenu qui harcèle une victime ou qui tient des propos désobligeants à son encontre ou de sa famille". Dans le cas de Mumia, toujours selon l'ACLU, son discours au Goddard College "ne pouvait tomber sous le coup d'un telle restriction dans la mesure où il n'a pas évoqué le crime pour lequel il a été condamné". Et l'ACLU d'en conclure que "le législateur veut en fait disposer de tous les pouvoirs pour interdire la parole qu'il n'aime pas".
Du côté des soutiens américains à Mumia et des organisations de défense des droits humains et civiques, c'est la mobilisation pour l'abrogation de cette loi qui s'organise. Outre la solidarité qu'il a manifestée à cette occasion, le Collectif français de soutien à Mumia s'est inscrit dans cette campagne.