samedi 15 novembre 2014

Le dogme du coût du travail est la base du libéralisme

Entretien paru dans le journal "La Marseillaise"

Michelle Demessine, sénatrice communiste du Nord, est l’auteure d’un rapport consacré à l’impact des exonérations des cotisations sociales accordées aux entreprises et présenté à la chambre haute en juillet dernier. Elle suit de près le dossier de l’aide publique à l’entreprise et accueille le comité de suivi avec quelques circonspections.

La sénatrice communiste, estime que le lancement du comité de suivi des aides publiques tient avant tout du « coup de com’ » et dénonce « le dogme du coût du travail. »

Que vous inspire ce comité de suivi des aides publiques, finalement réuni ce mardi ?

Je pense qu’il était prévu depuis le début. C’était tout le débat sur les contreparties. Il y avait de fortes réticences. Mais finalement l’accord avec les organisations syndicales et patronales avait été l’occasion de la création de ce comité de suivi. Cependant il n’était pas mis en place et tardait à l’être. Je pense que ce qui a conduit à cet effet de précipitation, c’est précisément le rapport sur le CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi, ndlr), qui tout simplement n’était pas bon. D’ailleurs, il ne parlait que des PME. Effectivement, ces dernières avaient bénéficié d’une petite bouffée d’oxygène qui leur a permis de ne pas tomber immédiatement dans le rouge. Mais c’est bien le seul effet positif (des aides publiques) à ce jour. Le rapport ne parlait pas du tout des grandes entreprises. Simplement parce qu’il n’était pas bon. Au contraire il laissait percevoir qu’une manne financière de 20 milliards - qui double déjà celle des exonérations - distribuée de façon aveugle, sans contrepartie et sans ciblage, il donnait le résultat que l’on pouvait craindre depuis les premières exonérations de charges sociales : une situation dans laquelle la part des dividendes augmente en même temps qu’augmentent les exonérations.

Est-ce que ceci a été assez soulevé, notamment au niveau des assemblées, des partis ?

Quand on le disait on nous renvoyait systématiquement dans les cordes. Et puis le patronat traîne les pieds. Dans la négociation entre branches, on constate que deux accords seulement ont été signés, à savoir dans la chimie et dans la métallurgie. C’était là que le rapport de forces était le plus favorable. Aujourd’hui, deux jours avant la conférence de presse du Président de la République, on est dans un schéma de communication. On fait un comité de suivi pour répondre aux pressions de la population et des syndicats, sur 40 milliards distribués sans contrepartie ni contrôle. Mais l’autre pression est celle du patronat, qui est d’une arrogance totale et qui ne veut absolument rien entendre.

Jusqu’ici, le principal défaut du CICE, en dehors du problème des contreparties, c’est qu’il est distribué de manière indifférenciée à tout le monde. Donc forcément il apparaît comme une manne, comme une aubaine. Il n’est pas du tout reçu comme une politique élaborée pour l’investissement et pour l’emploi.

Le comité de suivi ne serait donc qu’un « coup de com’ » ?

C’est un peu la suite du réveil au moment de la réindustrialisation. Quand le gouvernement se réveillait en se disant « oh la la c’est plus possible la désindustrialisation c’est une catastrophe il faut une nouvelle politique industrielle. » Ce à quoi tout le monde adhérait, bien évidemment. Le CICE c’est un peu dans la foulée de ça. Mais malheureusement le CICE ne va profiter que très peu à l’industrie. Bien sûr, il faut une politique d’aide publique pour le développement et l’aide à la modernisation, pour notre économie. Mais il y a bien d’autres outils à utiliser pour favoriser l’emploi, pour encourager les entreprises. Ils tourneraient le dos aux dividendes en faveur de l’emploi et d’un investissement plus important. C’est la voie dans laquelle il faut travailler.

En juillet, vous dénonciez les aides publiques aux entreprises comme une simple « aide en soi », sans plus de vision politique. Au fond vous confirmez ?

Le dogme du coût du travail c’est ça. On laisse de côté ceux qui le dénoncent, à savoir les syndicats ou notre formation politique, et par là on délaisse complètement la question du coût du capital. Or, ce coût du capital joue aussi un rôle très important ! On s’entête sur la course au plus bas salaire, qui serait la solution à nos problèmes.

Le tout est alimenté par nombres « d’experts » et économistes complètement branchés sur la pensée unique. Tous ceux qui portent une autre voix, jusqu’à présent, ne sont pas écoutés ou pire sont étouffés. Je le répète mais c’est ça : le dogme du coût du travail prime parce que c’est la base du libéralisme. Aujourd’hui, le Medef à qui on a fait les yeux doux, essaie d’en profiter au maximum. Certes, le comité de suivi semble donner un petit coup de pouce dans l’autre sens. On le prendra... mais je doute de son efficacité.

Entretien réalisé par Claude Gauthier
 
 http://www.lamarseillaise.fr/analyses-de-la-redaction/dossier-du-jour/32948-michelle-demessine-la-base-du-liberalisme

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